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Forever Gentlemen

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Distribution (entre parenthèses, le nombre de participations)
Paul Anka (2), Dany Brillant (4), Corneille (2), Gad Elmaleh (2), Sofia Essaïdi, Elodie Frégé, Garou (2), Bruce Johnson (3), Gilles Lellouche, Philippe Lellouche (3), Emmanuel Moire (3), Vincent Niclo (3), M. Pokora, Damien Sargue (6), Sinclair, Roch Voisine (4)

En ces temps de morosité qui durent, qui durent, un seul domaine ne connaît pas la crise : le luxe.
L’album Forever Gentlemen fait partie de cette catégorie, les produits de luxe. Non pas pour son prix d’achat, mais pour son contenu. La pochette est explicite ; smoking ; chemise immaculée, nœud pap’… On ne peut pas distinguer si le personnage porte des boutons de manchettes, mais j’en jurerais. La classe quoi, la grande classe.
Il est vrai qu’on ne se moque pas de nous à tout point de vue.
D’abord pour ce qui est du choix des chansons. Que des énormes tubes ! Inutile de les énumérer tous les quinze, ce n’est que du lourd, du gravé dans nos mémoires, de l’intemporel absolu. C’est l’hydromel des dieux des crooners, un pur nectar pour les trompes d’Eustache délicates…


Et puis, il y a les interprètes…
On n’est pas surpris d’y retrouver des valeurs sûres, des artistes à la voix de velours comme Dany Brillant, Vincent Niclo, Roch Voisine… Pas étonnant non plus d’avoir fait appel à des pointures comme Garou et Sinclair. Sympa aussi d’avoir introduit de la sève dans ce cocktail avec Corneille, Emmanuel Moire, M. Pokora. Confirmation aussi du talent tout terrain de Damien Sargue… Ajoutez à cela une touche anglo-saxonne avec, excusez du peu, le très LasVegassien Paul Anka et le « TheVoicisé » Bruce Johnson.
Plus inattendue, mais tout à fait conforme à l’esprit du concept, la présence de Gad Elmaleh dans deux des titres les plus pimpants, New York New York et Singing in the Rain. En revanche, découvrir dans ce générique haut de gamme (au propre comme au figuré) les noms de Philippe et Gilles Lellouche, ça m’a interloqué. J’ignorais que ces bougres savaient aussi bien crooner. On ne nous dit pas tout…
Enfin, at last but not the least, au milieu de toutes ces voix viriles, chaudes et bien trempées, il fallait glisser une note de féminité, une once de glamour. A ce niveau, ces messieurs ont été plutôt gâtés avec la sensuelle Elodie Frégé et la piquante Sofia Essaïdi. La classe, je vous dis.


Bref, Forever Gentlemen est un album totalement réussi, tant au niveau des voix (impeccables) que des arrangements (somptueux). Je pense que les Américains vont en prendre un petit coup dans l’ego car, là, l’élégance à la française est une vraie valeur ajoutée.

Vivement la suite…

Age tendre

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Palais des Congrès
2, place de la Porte Maillot
75017 Paris
Tel : 08 99 23 33 72
Métro : Porte Maillot

8ème et dernière édition.
Présenté par Julien Lepers

Huit ans que cette tournée existe (elle est née en mars 2006), huit ans qu’elle draine les foules à travers la France. Dire qu’au départ personne ne croyait à ce concept fou imaginé par Maichel Algay : ressortir de la naphtaline des artistes qui avaient été soit des idoles soit les interprètes d’un megatube dans les années 60 et 70. Et ça a marché au-delà de toutes les espérances. A croire qu’il y avait une vraie attente inconsciente. Michel Algay a créé la notion de « nostalgie positive et festive ». Il faut le voir le public ; il faut lire le bonheur dans ses yeux ; il faut partager cette ferveur, cette communion, ce plaisir tout simple. Ils forment une famille générationnelle. Ils se sont faits beaux, ils affublent des atours qui ne sont pas toujours du meilleur goût, mais c’est leur manière de remercier. Ils vont à la messe…

La huitième édition (annoncée comme étant la dernière) ne déroge pas à la règle. Au fil des années, le spectacle est devenu de plus en plus professionnel. On ne se moque pas du monde. Un grand orchestre, quatre choristes, quatre danseuses, des tenues élégantes, des lumières magnifiques, des projections judicieuses et deux gigantesques écran qui encadrent la scène de façon à ce que l’on puisse, d’où que l’on se trouve, voir les artistes en gros plan. C’est dans ce superbe décor, véritable écrin, que viennent se produire une grosse douzaine de ceux et celles qui ont enchanté la jeunesse de la grande majorité des spectateurs.


C’est Hervé Vilard qui a l’honneur d’ouvrir le bal et de donner le ton à la suite du spectacle. Hervé est le Monsieur Loyal idéal. Légitimé par ses tubes (Venise, Nous, Capri c’est fini, Méditerranéenne), il s’investit en tant que porte-parole de ses collègues pour confier le bonheur qu’ils ont à « donner du bonheur ». Sur scène, il ne triche jamais. Interprète hors pair, il vit ses chansons (les gros plans, qui ne pardonnent rien, l’attestent). Il est parfait pour donner le la, faire l'apologie de ce noble statut de "chanteur populaire" et personnaliser ce qu’était ce fameux « âge tendre »…

Après lui surgit l’inamovible et inoxydable Michel Orso. A 77 ans, incroyablement trépidant et bondissant, il semble avoir reçu en transfusion les cent-mille volts de Gilbert Bécaud qui sont venus enrichir encore les cent-mille siens !
Viendront ensuite Michelle Torr, Gianni Lazzaro, Annie Cordy, Dave, l’accordéoniste Michel Pruvot, Monty, le Grand Orchestre du Splendid, Pierre Charby, Gigliola Cinquetti, Herbert Léonard et Danyel Gérard… Ne manquent à la liste annoncée que deux sacrées pointures, Jean-Jacques Debout et, pour cause de maladie, François Valéry.


Bien sûr, on en aime certains plus que d’autres, mais tous donnent le meilleur d’eux-mêmes.
Personnellement, j’ai particulièrement apprécié trois grands moments : l’interprétation a cappella et sans micro du Clown, la performance vocale de Dave dans La Décision sur un thème classique de Brahms avec un somptueux arrangement symphonique, et la version aussi délirante que classieuse de Macaopar le Grand Orchestre du Spendid.


Voilà. Trois heures de spectacle, trois heures de partage, trois heures d’un bonheur simple et total… Le rideau se baissera définitivement (?) en juin.

Cowboy Mouth

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Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 20 60 56
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Une pièce de Sam Sheppard et Patti Smith
Adaptée par Marie Barraud et Nicolas Tarrin
Mise en scène de Nicolas Tarrin
Avec Marie Barraud (Cavale), Cali (Slim)
Avec la participation d’Andrey Zouari
Décors d’Olivier Prost

L’histoire : New York, 1971. Armée d’un colt 45, Cavale kidnappe en pleine rue Slim, un père de famille. Enfermés dans une chambre d’hôtel, elle tente de faire de lui une star du rock afin d’offrir un sauveur à toute une génération perdue, « un Jésus rock’n’roll avec une gueule de cowboy ». Mais le captif tombe amoureux de son ravisseur…

Mon avis : Irréductibles cartésiens, pragmatiques de tout poil, cette pièce n’est pas pour vous… Inutile d’y chercher une quelconque cohérence.
En revanche, si vous avez gardé un anticonformisme naturel, un esprit de révolte juvénile, si vous avez su entretenir un brin de folie, si vous êtes sensible à la poésie et, surtout, si vous êtes gourmands de performances d’acteur, Cowboy Mouth est pour vous.

Lorsque Patti Smith et Sam Sheppard ont écrit cette pièce en 1971 (en deux nuits !), ils étaient follement amoureux et, vraisemblablement sous l’emprise de substances illicites. Ils ont respectivement 25 et 28 ans. Elle peint et écrit des poèmes ; il est un dramaturge en vogue. Il est déjà marié et père d’un enfant.
Tout se passe dans une chambre du Chelsea Hotel. Il y règne un profond désordre. Un lit défait, des dessins accrochés aux murs, deux guitares, deux caisses claires. On sent que le couple formé par Cavale et Slim n’en sort jamais. C’est donc à un véritable huis-clos que nous assistons. Et à une histoire d’amour… Brève mais intense.

Pour bien saisir la plausibilité de cette pièce, il faut la replacer dans son contexte historique. Nous sommes donc au tout début des années 70 aux Etats-Unis. Nixon est président, il y a toujours la guerre au Viêt Nam, chez les jeunes, le Flower Power romantique et pacifiste est en train de s’étioler, mais la Beat Generation née dans les années 50 est toujours là, et bien là…
Slim, et plus encore Cavale, en sont des spécimens vivants. Ils ont la contestation et le nihilisme chroniques. Leur vision du monde et de la société est sombre mais pas désespérée, car, grâce aux paradis artificiels,  ils se réfugient dans un no man’s land psychédélique édifié sur ces quatre piliers que sont l’utopie, l’écriture (et plus particulièrement la poésie), la peinture et la musique (et plus particulièrement le rock).
Cowboy Mouth est une pièce onirique. Cavale et Slim sont deux enfants qui jouent. Qui jouent à s’aimer, qui jouent à se faire mal. Dans un perpétuel va-et-vient entre attirance et répulsion, ils se cherchent, tentant pathétiquement de se construire un avenir qu’ils savent illusoire (Cavale parle d’un « putain de grand rêve »). La passion est omniprésente, mais vraisemblablement attisée par les drogues, elle peut aussi bien engendrer la plus grande tendresse que générer la violence la plus fulgurante.

Il ne faut pas chercher à comprendre, il n’y a qu’à se laisser emporter par ce maelstrom se sentiments exacerbés. Parfois Cavale et Slim sont ancrés dans la réalité, parfois ils sont en plein trip. On partage leurs hallucinations, leurs idées radicales, leurs moments de grâce (quand Slim joue au magicien pour épater Cavale) et surtout leurs rêves insensés (comme le statut mystique de la star de rock)…
Inutile de préciser que pour interpréter ces deux êtres à la dérive, on ne peut pas le faire avec tiédeur. Il faut y aller à fond, se racler la chair jusqu’à l’os, se tordre le cœur comme un vieux gant de toilette. Après avoir vu leur prestation, difficile d’imaginer deux autres comédiens que Marie Barraud et Cali.


Marie Barraud, qui a adapté la pièce et qui la connaît donc dans ses moindres aspects, est complètement habitée par le personnage de Cavale. Cali m’a d’ailleurs confié à l’issue du spectacle que parfois, elle lui « faisait peur » ! Elle va au-delà du don de soi. Elle est littéralement possédée. Avec ses gestes compulsifs, ses déplacements claudicants, elle passe sans transition de l’hystérie dévastatrice à la féminité la plus touchante. En fait, c’est une petite fille qui essaie de se désempêtrer de sa fragilité. Elle nous fait vivre en tout cas un formidable moment de comédie. Seule avec ses démons, elle lâche tout, se dépouille au propre comme au figuré. Elle nous fait vivre en tout cas un formidable moment de comédie.

Et Cali, que vaut-il dans ce face-à-face tumultueux ? Pour sa première expérience théâtrale, il est tout simplement bluffant. Il ne fait que confirmer que, à l’instar de ses tours de chant, il est une bête de scène. Pour incarner Slim, il dégage une forme d’animalité (il se compare lui-même à un coyote). Je lui ai trouvé un côté plus indien que cowboy. Sa folie à lui est plus pondérée, moins destructrice. Il a gardé une espèce de candeur, une faculté d’émerveillement. C’est avec ces sentiments-là qu’il réussit à toucher et à amadouer Cavale.
Cette jolie performance va inévitablement l’amener à devoir désormais composer entre les deux carrières de chanteur et de comédien. Il en a acquis grandement la légitimité.


Gilbert « Critikator » Jouin

Le Jeu de la Vérité

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Comédie réalisée par François Desagnat
D’après la pièce de Philippe Lellouche
Scénario et dialogues de Philippe Lellouche
Musique d’Alexandre Azaria
Avec Vanessa Demouy (Margaux), David Brécourt (Fabrice), Philippe Lellouche (Jules), Christian Vadim (Pascal)

Sortie le 22 janvier

Synopsis : Au cours d’un de leurs habituels dîners hebdomadaires, trois quadras vont retrouver Margaux, leur coup de cœur d’ados. Mais la surprise que leur réserve l’ancienne « bombe du lycée » va bouleverser le cours de la soirée…

Mon avis : Si vous avez aimé la pièce, vous adorerez le film… Si vous n’avez pas vu la pièce, vous adorerez le film.
Philippe Lellouche n’a pas son pareil pour raconter des histoires de quadras. Son postulat est tout simple : trois amis, inséparables depuis l’enfance, vont brutalement se retrouver mis en présence de leur fantasme de jeunesse, Margaux, « la bombe du lycée ». Leur amitié inoxydable va-t-elle tenir au cours de ce concours de séduction dans lequel ils décident de s’affronter ?


Comme la pièce, le film est quasiment un huis-clos. L’essentiel de l’action se passe dans le loft de Jules. Seul le générique de début nous permet de faire connaissance des trois garçons et de les voir évoluer dans leur milieu professionnel. Ce qui nous livre déjà quelques informations quant à leurs caractères…
La qualité de l’écriture lellouchienne réside dans sa capacité à dessiner les profils psychologiques de ses interprètes. Il connaît bien la gent masculine, le bougre ! Les trois héros ( ?) sont dans des situations déjà différentes : Jules est un célibataire pur et dur doublé d’un coureur invétéré ; Pascal est fraîchement divorcé. Encore fragile, il ne sait pas comment gérer sa toute nouvelle liberté ; Fabrice est marié depuis seize ans, père de deux enfants, et il commence à sentir sa libido exacerbée par une jolie collègue…
Se connaissant par cœur, sachant où distiller le poil à gratter par rapport les uns aux autres, ils n’arrêtent pas de se vanner. Ce sont trois grands gamins. L’irruption de Margaux dans leur vie et ce foutu Jeu de la Vérité auquel ils vont se livrer va servir de révélateur. D’autant que la jeune femme porte sur eux un regard d’une acuité redoutable. Elle les pousse à être enfin eux-mêmes, à gommer peu à peu leurs côtés matamores et puérils. Jusqu’au bout, si on n’a pas vu la pièce, on se demande comment tout cela va bien pouvoir se terminer.


L’énorme avantage du film, ce sont les gros plans. Le moindre regard, la moindre mimique, sont décelées. Pas possible de se laisser aller. Et là, on peut dire que les quatre comédiens, qui connaissent bien sûr leur partition jusqu’au bout des doigts, la jouent à la perfection. La Vérité est aussi dans cette interprétation pleine de subtilité. On n’est jamais dans la caricature, même si la plupart des situations sont amenées de façon à nous faire rire ou sourire. Et puis, avec les gros plans, l’émotion est beaucoup plus palpable. A plusieurs reprises, on ne peut empêcher de délicieux picotis venir nous titiller le coin de l’œil.


Le Jeu de la Véritéest une bonne comédie moderne qui n’a de prétention que de nous amuser, nous attendrir et aussi de nous faire réfléchir car elle nous renvoie à toutes nos faiblesses autant qu’à nos plus belles qualités humaines. C’est avant tout une belle histoire d’amitié, une histoire universelle qui peut toucher le plus grand nombre.

Framboise Frivole "Delicatissimo"

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Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 42
Métro : 4 Septembre / Pyramides

Le spectacle : Ce duo d’humour musical, chic et populaire, a trouvé dans le théâtre historique d’Offenbach l’écrin idéal pour sa nouvelle création.
Delicatissimomarque le grand retour de Bart van Caenegem au piano, aux côtés du brillant ténor et violoncelliste Peter Hens. Nos deux aventuriers partent à la recherche de l’Archet perdu… Cette quête échevelée les conduira à des découvertes musicales aussi improbables qu’hilarantes. En outre, la technologie moderne s’est insidieusement infiltrée dans ce spectacle…

Mon avis : J’en ai vus en une trentaine d’années de ces spectacles musicaux que l’on qualifie de « burlesques », mais qui atteignent un tel niveau d’excellence, jamais ! J’en ai pris plein la tête, plein les oreilles et plein les yeux. Pas besoin d’avoir fait Belge en première langue, on comprend tout… Mais le fait que Peter Hens et Bart Van Caenegem soient Belges explique beaucoup de choses. Une fois que l’on a intégré le fait que nous avons affaire à deux virtuoses (Bart est même multi-instrumentiste), leur seconde particularité, toute aussi évidente, est leur sens de l’humour. Au surréalisme et à l’autodérision ataviques de leur pays, ils ajoutent une forte dose de non-sens typiquement britannique…


Leur belgitude, ils la revendiquent dès leur premier morceau. Le mythique tube de Saint-Preux devient ainsi Le Concerto pour une… fois. Les choses sont ainsi dites, le ton est donné, dès lors nous allons assister à 1 h 35 d’un délire absolu mais parfaitement maîtrisé. Tout y passe : dérapages musicaux, enchaînements audacieux et subtils, détournements d’œuvres majeures, paroles plaquées sur d’autres mélodies, « symphonisation » de chansons hyper populaires (Sheila, Cloclo, Johnny… même Les Sardines de Patrick Sébastien s’invitent dans ce spectacle), tout cela s’emboîte magistralement façon matriochkas (poupées russes). On imagine les heures de travail et la somme de répétitions nécessaires à l’obtention d’un tel niveau de perfection.
Car, non seulement la musique est irréprochable, mais les textes chantés ou parlés, parsemés de calembours et de jeux de mots d’un niveau remarquable, sont formidablement écrits (l’histoire, pour complètement loufoque qu’elle soit, possède néanmoins une vraie cohérence) et tout aussi admirablement interprétés. Peter Hens fait ce qu’il veut avec sa voix, il peut tout chanter. Et il le prouve.


Je ne veux rien dévoiler de plus quant au contenu et aux surprises qui nous laissent abasourdis de bonheur. Les trouvailles foisonnent : gags visuels, effets spéciaux, jeux de lumière… C’est un spectacle total. Et que dire du final !...
Delicatissimo peut être qualifié d’œuvre de Genèse. Peter et Bart son des mélodieux de l’Olympe. J’ai rarement entendu autant de gloussements de plaisir dans une salle. Avec cette Framboise aussi Frivole qu’éminemment juteuse et survitaminée, je n’ai pas vu le tempo passer.
Je crois que je retournerai aux Bouffes Parisiens car je sais que je suis passé à côté de jeux de mots et de subtilités qui se sont retrouvées noyés par les rires ou, tout simplement parce que ça s’enchaîne trop vite.
Courez vite voir et déguster Framboise Frivole. C’est une gourmandise absolue.


Gilbert « Critikator » Jouin

Régis Mailhot "Reprise des hostilités"

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Théâtre du Petit Saint-Martin
17, rue René Boulanger
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Seul en scène écrit et interprété par Régis Mailhot
Mis en scène par Gil Galliot

Présentation : Reprise des hostilités, c’est l’histoire d’une rupture non conventionnelle, celle d’un comique qui décide de claquer la porte d’une société où la franchise est dorénavant considérée comme un acte de délinquance. Entre le ras-le-bol de commenter la sempiternelle même info spectacle, la difficulté de s’exprimer dans une époque moraliste et démoralisante, et la peur de penser mal, le métier d’humoriste devient un défi quotidien.

Mon avis : Hier soir, je me suis fait le Mailhot… Qu’est-ce que je me suis poilé !
Ce préambule un peu vaseux reflète pourtant le grand plaisir que j’ai connu en découvrant le nouveau seul en scène de Régis Mailhot. Ce garçon propre sur lui, très élégant (costume, cravate), ce qui devient rare, est un de nos humoristes les plus iconoclastes et les plus joyeusement subversifs actuellement. Avec lui, il n’y a pas de langue bois, il n’y a que des échardes qu’il plante allègrement ça et là au gré de ses envies et de l’actualité.
Il annonce d’ailleurs la couleur avec le titre de son spectacle : « Reprise des hostilités »… Régis Mailhot repart donc au combat. Et il a fait le plein de munitions. Il faut dire que l’actualité française et mondiale a de quoi le ravitailler. Même s’il est un redoutable tireur d’élite, il n’est pas du genre sniper, il ne tire pas au coup par coup. Lui, son arme, c’est plutôt la mitraillette car il arrose copieusement tout ce qui bouge.


Son spectacle est découpé en plusieurs chapitres thématisés. C’est très bien pour le public car il a droit à du concentré à chaque fois. Régis Mailhot ne nous propose que le suc ; il élimine le superflu, ne va qu’à l’essentiel. C’est d’autant plus efficace que le jet est continu… Il a une façon très personnelle de prendre un sujet et de ne lâcher que lorsqu’il en a intégralement fait le tour. Il travaille comme un orpailleur : il passe tout au tamis et ne conserve que les pépites. Son sens de la formule est imparable (« Si le printemps était arabe, l’automne sera voilé »… « Pierre Bergé, c’est le grenier à blé du PS »… « Le Superbowl de ceux qui n’en ont pas », « Le taux de suicide chez les kamikaze »). Très à l’aise sur scène, il occupe bien l’espace et démontre également qu’il est un sacrément bon comédien (ce qui ne transparaît pas automatiquement à la radio). Ses images et ses comparaisons sont particulièrement osées, et il ponctue ses pires assertions d’un sourire à la fois candide et sardonique (il faut le faire !). Il est vrai qu’il possède un sens de l’euphémisme qui frise la mauvaise foi lorsqu’il avoue : « Je suis un peu taquin ». Il y a dans son texte – remarquablement écrit – quelques « taquineries » qui pousseraient quelques unes de ses cibles préférées à avoir envie de « régisside ».


Tout est vraiment bon dans ce spectacle intelligemment charpenté. Parmi les thèmes qu’il aborde, les infos dans dix ans, le mariage pour tous, l’homosexualité, les « héros » médiatiques (genre Zaïa et Leonarda), les Femen, les syndicats, les handicapés, la sexualité, la grossesse, la paternité, les artistes engagés, le plus abouti est, pour moi, celui qui traite des trois religions monothéistes. C’est d’autant plus percutant que c’est dénué de tout sectarisme. C’est d’ailleurs dans le même esprit qu’il analyse la politique ; il y en a pour tout le monde.
Bref, autant sur le plan qualitatif que quantitatif, Reprise des hostilités est un spectacle très dense, très riche. Il est vrai qu’avec un tonton qui a passé sa vie à faire (brillamment) le Jacques, l’énergumène a été à bonne école…

Entre La Framboise Frivole et Régis Mailhot, mes zygomatiques ont vraiment vécu une semaine faste !...


Gilbert « Critikator » Jouin

Roméo et Juliette

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Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro ; Strasbourg Saint-Denis

Pièce de William Shakespeare
Mise en scène par Nicolas Briançon
Adaptée par Pierre-Alain leleu et Nicolas Briançon
Dramaturgie de Julie-Anne Roth
Décors de Pierre-Yves Leprince
Costumes de Michel Dussarat
Lumières de Gaëlle de Malglaive
Musiques de Gérard Daguerre
Chorégraphies de Karine Orts
Avec Ana Girardot (Juliette), Niels Schneider (Roméo), Valérie Mairesse (la nourrice), Bernard Malaka (Frère Laurent), Dimitri Storoge (Mercutio), Cédric Zimmerlin (Benvolio), Brian Polach(Tybalt), Charles Clément (Père Capulet), Valentine Varéla (Lady Capulet), Mas Belsito (Paris)…

Présentation : Entourés d’une troupe de plus de vingt acteurs, Ana Girardot et Niels Schneider sont les héros de cette nouvelle grande production du Théâtre de la Porte Saint-Martin. Après La Nuit des Roiset Le Songe d’une nuit d’été, Nicolas Briançon met en scène la pièce la plus célèbre du répertoire de Shakespeare, Roméo et Juliette. Retrouvez la plus belle histoire d’amour du théâtre classique dans une mise en scène prestigieuse et populaire…

Mon avis : Je pense que Sir William de Stratford-upon-Avon aurait fortement apprécié cette version modernisée mais totalement fidèle de son Roméo et Juliette.
Après La Nuit des Roiset Le Songe d’une nuit d’été, Nicolas Briançon boucle avec cette pièce sa formidable trilogie shakespearienne. Il ne faut pas y inclure évidemment son incartade de Divina avec la Reine Lear… Une fois de plus, il fait fort. Totalement respectueux du texte original, il en a transposé l’action dans une Vénétie plus proche de nous. L’histoire de Roméo et Juliette étant éternelle et universelle, cela ne pose aucun problème de compréhension. Les costumes (toujours aussi réussis) de Michel Dussarat sont essentiellement en noir et blanc. Cela donne une véritable esthétique qui se marie impeccablement avec le décor formé de grands panneaux gris mobiles. En fait, on s’en fout de ce décor stylisé et minimaliste. Il ne sert que de cadre à l’action et, en fonction de ses déplacements, on sait où l’on se trouve. Le seul élément qui attire vraiment l’attention est le lit baladeur de Juliette. Il a son importance ce lit !


D’emblée, d’une part à cause de l’austérité des costumes, et d’autre part grâce à la présence de cinq musiciens jouant en live, on se retrouve dans une ambiance typiquement italienne mais dans le côté sombre des clans mafieux. Entourés de leurs sbires, le père Capulet et le père Montaigu sentent les parrains à plein nez. A peine cinq minutes après le lever de rideau, une bagarre terrible éclate entre les deux clans, les femmes n’étant pas les dernières à participer au pugilat. La violence, dans toutes ses formes d’expression (physique ou psychologique), va être le fil rouge de l’histoire.
Nicolas Briançon a su s’entourer d’une troupe de comédiens réellement convaincants. J’ai particulièrement apprécié les prestations de Dimitri Storoge (Mercutio), Cédric Zimmerlin (Benvolio), Bryan Polach (Tybalt), Valentine Varéla (Lady Capulet). Un ton au-dessus encore, je place le jeu tout en force de Charles Clément (impressionnant de dureté dans le rôle du Père Capulet) et celui plus retenu mais brûlant intérieurement de Bernard Malaka en Frère Laurent.


Comme d’habitude, l’écueil avec les pièces de Shakespeare, c’est leur longueur. Seule, ) mon avis, La Nuit des Rois n’était pas trop encombrée de ces digressions lyriques et ces tirades allégorico-bucoliques qui plombent un tantinet l’action du Songe d’une nuit d’été et de Roméo et Juliette. Nicolas Briançon fait de son mieux en enchaînant les scènes sans aucun temps mort mais, hélas, l’histoire, qui devrait être haletante, est régulièrement ralentie par des monologues, de fort bonne qualité sur un simple plan littéraire, mais la plupart du temps superflus, voire abscons. Il faudra bien un jour qu’il se fasse violence et taille allègrement dans ces textes trop riches pour y gagner en rythme et en intensité. Je pense que personne ne lui en tiendrait rigueur… Avec vingt minutes de moins, son adaptation serait imparable et nous laisserait à l’esprit un souvenir enchanté tant son travail est en tout point irréprochable.


Venons-en enfin aux deux héros de cette tragédie. Ana Girardot campe une formidable Juliette. Espiègle, mutine, pleine de vie, fougueuse, on comprend tout de suite qu’elle ne va pas faire les choses à moitié. Quand la passion s’empare d’elle, elle la vit à fond, exigeante et sans concessions. Elle est d’abord candidement émerveillée par ce sentiment nouveau qui s’éveille en elle puis, comme mue par un sentiment d’urgence, elle va se donner corps et âme à celui que son cœur a choisi. Ana incarne la vie-même. Elle s’approprie ce rôle écrasant avec une justesse étonnante…
Bizarrement, j’ai eu parfois un peu de mal avec Roméo. Niels Schneider a incontestablement le physique du rôle. Il compose un Roméo fiévreux, exalté, virulent, mais j’ai trouvé qu’il manquait de ce romantisme qui fait fondre les jeunes filles en fleur. Il est plus impétueux et véhément que tendre. Pourtant, quand il joue certaines scènes avec plus de retenue, quand il laisse filtrer une vraie douceur, il est parfaitement émouvant. Et puis il a un timbre de voix et un débit parfois trop rapide qui peuvent s’avérer dérangeants pour la compréhension… Ne faisons pas néanmoins la fine bouche, il forme avec Ana un très beau couple et leur complicité au moment des saluts fait vraiment plaisir à voir.

On ne peut évoquer ce Roméo et Juliette sans souligner la composition absolument réjouissante de Valérie Mairesse dans le rôle de la Nourrice. Protectrice et aimante, elle est totalement dévouée à sa jeune maîtresse. Pour la servir, elle accepte même de subir les moqueries et les outrances des jeunes godelureaux des deux camps. Mais elle ne s’en laisse pas conter, elle a de l’envergure et du bagou. Quelle savoureuse composition ! Bien épaulée par Adrien Guitton, irrésistible en Grégoire, elle apporte la seule note de franche gaîté dans cette sombre pièce. Sa présence nous fait un bien fou, elle apporte le seul bol d’oxygène dans une ambiance plutôt éprouvante.

Enfin, pour être complet, il faut aussi citer la beauté de certains tableaux : les bagarres et les duels sont remarquablement réalistes et chorégraphiés ; le bal est une jolie parenthèse autant esthétique que légère ; la scène dans la chambre de Juliette est un beau moment de comédie ; et le tableau final, celui du tombeau des deux amants, est également très réussi (le silence qui règne dans la salle à ce moment est impressionnant).

Mais qu’est-ce que c’est insupportable de faire mourir ce deux jeunes gens ! Il est fou ce Shakespeare, il aurait pu se fendre d’une happy end. Ils avaient le droit de la vivre leur passions Roméo et Juliette, ils le méritaient…

Parce que c'était lui

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Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Une pièce conçue et réalisée par Jean-Claude Idée
Décor de Bastien Forestier
Costumes de Sonia Bosc
Lumières de Jean-Claude Idée
Avec Emmanuel Dechartre (Montaigne), Adrien Melin (La Boétie), Katia Miran (Marie de Gournay)

Présentation : Cette pièce propose une réflexion sur l’éternelle opposition gauche-droite qui déchire la société française. Comment des gens qui ne partagent pas du tout les mêmes idées politiques peuvent-ils rester les meilleurs amis du monde ? La Boétie était révolutionnaire et anarchiste. Montaigne royaliste et chrétien. Leurs écrits, souvent ironiques et brillants, fournissent la matière des dialogues et nous redécouvrons, avec surprise et jubilation, leurs disputes qui ressemblent fort à celles de notre temps.
De son côté, Marie de Gournay complète ce triangle amical et amoureux en ajoutant à tout cela un brin de féminisme et d’impertinence.

Mon avis : L’action de déroule tour à tour dans l’un des trois endroits d’un décor très simple : côté jardin, un petit bureau, côté cour un lit d’une personne et, au centre, trône un superbe arbre nu stylisé au pied duquel on a disposé un petit banc… Nous sommes en 1588, dans le pied-à-terre parisien de Montaigne.

Je tiens à vous rassurer sans plus tarder : cette pièce dont les héros sont Michel de Montaigne et Etienne de La Boétie pourrait faire peur, au contraire elle est à la fois fort intelligente, d’une modernité stupéfiante et très vivante. L’ingéniosité de l’auteur est d’avoir habilement mêlé les échanges philosophiques et le fonds historique et, surtout, d’avoir glissé entre ces deux écrivains le personnage dynamique et séduisant de Marie de Gournay.

La pièce commence avec son irruption dans le bureau de Montaigne. Elle a 23 ans, il en a 55 ans. Elle est éperdue d’admiration pour son œuvre et ne s’embarrasse pas de salamalecs pour le lui faire savoir. Mais avant tout, elle veut avec lui crever un abcès qui la turlupine : pourquoi a-t-il trahi son ami La Boétie en ne publiant pas, alors qu’il s’y était engagé, son Discours de la servitude Volontaire… Quand cette « trahison » lui est aussi vivement rappelée, Montaigne sent entrer en lui le perfide poison du remords. Et, dès lors, son ami va venir dans ses songes lui demander des comptes.

La construction de cette pièce est imparable. On ne s’ennuie pas une seconde. Les caractères et les idées des deux hommes sont remarquablement dessinés. La Boétie est un homme entier, fougueux, presque brutal. Montaigne au contraire est beaucoup plus nuancé, il aime analyser avant de trancher, il est comme un poisson dans les méandres de la politique. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a énormément d’estime et d’admiration entre eux. Preuve que l’on peut être amis tout en ayant des idées souvent diamétralement opposées (« Parfois les contraires s’attirent », constate Montaigne). Ce sont deux beaux esprits qui se livrent à une explication post mortem. Ce que l’on reproche à Montaigne, il l’élude en une seule phrase très explicite : « Bien souvent, il y a loin de nos convictions à nos critiques ». Lui, il doute, mais il est habile, il a un sens aigu de la diplomatie. Et, surtout, par effet miroir sans doute, il a une confiance très limitée en l’homme : « A quoi bon imposer des systèmes si les hommes restent les mêmes ? ». Une attitude qui fait bouillir ce révolutionnaire de La Boétie aux positions bien plus radicales : « Nous sommes au monde pour la changer, non pour en jouir ». Mais Montaigne, il veut bien en jouir de ce monde et de ce destin qui lui offre une ultime parenthèse amoureuse en la jolie personne de Marie de Gournay.

Quel beau personnage que Marie. Et quelle épatante comédienne que Katia Miran qui lui prête ses traits. Marie est une pionnière du féminisme. C’est une femme libre. Elle sait ce qu’elle veut. Ses élans, son déterminisme sont à la fois inconcevables et fascinants pour Montaigne. C’est elle qui va au contact, qui rend compte et qui oriente les décisions.


Parce que c’était luiest une pièce résolument moderne. Son texte, intemporel, contient une résonance troublante avec l’actualité. Ses thèmes les plus forts et les plus récurrents sont l’égalité et la liberté. Tout cela est formulé dans un langage d’une richesse absolue. Et, en plus, il est servi par trois comédiens véritablement habités par leurs personnages. Si cette pièce obtient le succès qu’elle mérite on pourra affirmer en parlant de la qualité de leur jeu et de leur investissement : Parce que c’était eux…

Gilbert "Critikator" Jouin

Olivier Sauton "Fabrice Luchini et moi"

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Théâtre de l'Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Excellente nouvelle : Olivier Sauton vient de reprendre son brillant seul en scène. Il se produit le mercredi et le jeudi à 21 heures jusqu'au 24 avril 2014. Très bon moment garanti...
Voir critique sur mon blog en date du 31 décembre 2013

La Contrebasse

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Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : trinité / Blanche / Saint-Lazare

Une pièce de Patrick Süskind
Mise en scène et en lumières par Daniel Benoin
Décors de Jean-Pierre Laporte
Costumes de Nathalie Bérard-Benoin

Présentation : « De l’amour à la haine, il y a ma contrebasse… L’instrument n’est pas précisément maniable. Une contrebasse, c’est plutôt, comment dire, un embarras qu’un instrument. Vous ne pouvez guère le porter, il faut la traîner, et si vous la faites tomber, elle est cassée… dans un appartement, elle se trouve sans cesse sur votre chemin. Elle est plantée là… avec un air si bête, vous voyez… mais pas comme un piano. Un piano, vous pouvez le fermer et le laisser là où il est. Elle, non, elle est toujours plantée là… Tout est de sa faute, je l’aime tellement…
Je suis un fonctionnaire de 40 ans, mais pas n’importe lequel, je suis contrebassiste à l’Orchestre National, amoureux transparent d’une soprano et inconditionnel de Schubert ».
La Contrebasse nous révèle la face cachée de la vie d’artiste. Une vie faite de hauts et de bas qu’il faut savoir maîtriser. C’est une véritable introspection que l’histoire de ce musicien solitaire.

Mon avis : Je vais encore être dithyrambique ! Pourtant, Dieu sait que je me garde systématiquement de toute complaisance. Sinon à quoi servirait te tenir un blog de critique théâtrale si on n’est pas sincère et honnête ? La mission que je me suis donnée, c’est de faire partager mon plaisir, livrer mes sensations et traduire en mots mes impressions de simple spectateur…

Et bien hier soir, au Petit Théâtre de Paris (mais Grand par sa programmation), j’ai pris un pied énorme ! Dans tous les domaines. Mais j’ai surtout été emporté par la prestation époustouflante de Clovis Cornillac. Il est l’incarnation même de « l’acteur » ; c'est-à-dire, « celui qui met en action le texte écrit par le dramaturge et les situations organisées par le metteur en scène ». Là, il nous en donne au-delà de notre content.
Au vu de sa filmographie, on savait que Clovis Cornillac savait tout jouer. Mais au théâtre, c’est autre chose. Surtout dans une petite salle où l’on est en permanence en gros plan sans possibilité de recommencer une scène. Aucun doute, le Clovis est formaté pour le théâtre. S’offrir en plus un challenge de l’envergure de La Contrebasse, il faut être, ainsi que le formule le célèbre philosophe Bernard Tapie, « sévèrement burné ». Ce seul en scène est redoutable car son héros doit exprimer et faire passer tout un éventail de sentiments.


Mais pour réussir un tel challenge, il faut être deux. Le second, ici, est bien sûr le texte de Patrick Süskind. Il est d’un tel foisonnement ; et d’une construction pas du tout classique car il fait la part belle aux impulsions et aux digressions. Si bien qu’on a sans cesse l’impression d’être dans le cerveau du personnage. Il passe du coq à l’âne ; il peut aussi bien étaler toute sa connaissance de son instrument et de la musique classique dans les termes les plus techniques, que faire part de ses émois intimes de la manière la plus triviale. En prime, il est affublé de quelques tocs croquignolets comme le prix des choses (c’était beaucoup moins cher avant) ou l’évaluation des sons en décibels et, pour couronner le tout, c’est un amoureux transi. Un sacré package !

En intégriste de la contrebasse, Clovis Cornillac est prodigieux. Très physique, débordant de sensualité, il sait autant faire rire que faire vibrer la corde sensible. Il peut se montrer ironique, voire fielleux, puis, dans la seconde qui suit exprimer sa grande vulnérabilité. On est tellement captivé par sa narration qu’il nous entraîne automatiquement dans sa dinguerie. Il reconnaît d’ailleurs tout naturellement être quelque peu « dérangé psychologiquement ». En fait, c’est un homme en souffrance qui évolue devant nous. Au fur et au à mesure qu’il vide les canettes de bière, son esprit se remplit d’amertume. Du coup, le spectacle va crescendo. Il commence allegro pour finir furioso. Ses confidences débutent sur un ton badin et souriant et elles se terminent dans une violence presque incontrôlable, le visage en sueur et la chemise trempée. Il finit le cœur en vrac et le corps en frac.


Qu’on soit ou non un passionné de musique classique n’a aucune importance. C’est une histoire d’homme qui nous est livrée en pâture. Ses complexes, son malaise intime prennent une dimension universelle… Je n’avais pas vu la création de La Contrebasseavec Jacques Villeret. J’étais donc vierge de tout a priori et de tout élément de comparaison. Tout ce que je sais, c’est que j’ai vécu un moment privilégié, un grand moment de théâtre, une formidable performance d’acteur. C’est simple, j’en ai complètement oublié que le PSG jouait en même temps une demi-finale en Coupe de la Ligue…

Quand, sur un ultime vibrato, Le contrebassiste s’est tu, c’est une véritable ovation qui est venue saluer son récital. Ce don, si rare, si emballant, on sait d’où il l’a hérité et comment il a su le faire fructifier. Sa maman peut être très fière de lui…

Gilbert "Critikator" Jouin

Un Temps de Chien

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Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une pièce de Brigitte Buc
Mise en scène par Jean Bouchaud
Décor de Jean Haas
Costumes de Carine Sarfati
Lumières de Franck Thévenon
Avec Valérie Lemercier (Hélène), Pascale Arbillot (Gabrielle), Patrick Catalifo (Le garçon de café), Mélanie Bernier (Loulou)

L’histoire : Gabrielle abuse du Lexomil, avalé à grandes lampées d’Armagnac et enchaîne les amours catastrophiques avec de beaux mufles qui la laissent sur le carreau.
Loulou se fout des autres et n’aime que son fils.
Quant à Hélène, elle est au bord de l’implosion et tente désespérément de donner le change par un optimisme forcené.
Ces trois femmes, qui se sont de prime abord regardées en chiens de faïence, vont finalement se donner un sacré coup de main pour traverser une période délicate de leur vie, sous l’œil narquois d’un garçon de café en pleine crise de misogynie aigüe…

Mon avis : La présentation ci-dessus résume parfaitement l’esprit de la pièce et définit en quelques mots les caractères de ses quatre protagonistes. Trois d’entre eux, Gabrielle, Hélène et le garçon de café, sont en plein mal-être ; pour différentes raisons. Le quatrième personnage, Loulou, est visiblement le moins perturbé parce qu’elle est protégée à la fois par son égocentrisme et son un bon sens chronique. En fait, on est dans un Desperate Housewivesà la française.
On voit très vite que la pièce a été écrite par une femme pour des femmes. Brigitte Buc a sans doute puisé dans son propre vécu et observé de près les relations amoureuses de ses copines pour en brosser ensuite trois archétypes : la célibataire en quête d’amour mais mal aimée (Gabrielle), l’épouse et mère de famille délaissée (Hélène), et la mère célibataire qui considère les hommes comme des objets (Loulou).
Une fois les profils psychologiques de chacune définis, il suffisait de les mettre en présence, de les confronter les unes avec les autres, de secouer le tout et de le porter à ébullition.


Je dois avouer que le premier tiers de cette pièce m’a fait un peu peur. L’action se déroule dans un endroit improbable, une arrière-salle plutôt glauque de café-restaurant (pourquoi y loge-t-on des client(e)s parce que la salle est pleine ? Bizarre…). C’est dans cette espèce de no man’s land que va avoir lieu la rencontre fortuite de nos trois héroïnes. Tout cela avec la bénédiction d’un garçon de café goguenard et bourru qui va servir dès lors à la fois de catalyseur et de représentant de la pensée masculine. Un rôle on ne peut plus essentiel…

La pièce est divisée en quatre tableaux. Comme je le signalais plus haut, j’ai vécu les deux premiers avec un certain détachement. Je ne parvenais pas à entrer dans l’histoire tant je trouvais les personnages un tantinet excessifs et les situations plutôt irréalistes. Les comédiens faisaient très, très bien ce qu’ils avaient à faire, mais le trait était trop gros, trop appuyé.

Et puis, hallelujah, à partir du troisième tableau, le « Chien » s’est mis à faire le beau. Les pièces du patchwork se sont soudains parfaitement assemblées, les personnages se sont débarrassés de toutes les scories, ont trouvé leur réalité et j’ai commencé à prendre vraiment du plaisir. En dehors de quelques dialogues parfois surréalistes (l’évocation des kangourous par exemple), les rouages, enfin huilés, se sont mis à fonctionner avec beaucoup plus de cohérence.


Cette pièce est servie par quatre remarquables comédiens. C’est un pur bonheur que de les voir s’ébattre et se débattre. Bien sûr, Valérie Lemercier, dont le personnage est le seul amené à faire le grand écart sur le plan psychologique, nous offre une prestation de haut vol. Est-il besoin une fois de plus de stipuler sa formidable présence comique. Elle est impeccable dans tous les registres. A l’aise avec son corps, précise dans la moindre de ses mimiques, elle nous fait rire et nous émeut du début à la fin…
Et elle est très bien épaulée. Pascale Arbillot joue les looseuses avec un réalisme réjouissant. Acariâtre, bougonne, susceptible, désenchantée, mais terriblement fleur bleue, on a vraiment envie qu’elle s’en sorte et on éprouve pour elle un réel attachement… Mélanie Bernier est véritablement épatante. Elle compose avec le personnage de Loulou une petite bonne femme dotée d’un sacré caractère. Elle est positive, son franc-parler fait des ravages mais il place ses interlocutrices en face de leur réalité. Son naturel, sa vitalité, son charme piquant nous la rendent immédiatement sympathique.
Et puis il y a le seul élément masculin de ce Temps de chien, Patrick Catalifo. Pas facile, a priori, de tirer son épingle du jeu face à ces trois harpies. Il faut être sacrément costaud pour tenir front à trois furies soudain désinhibées. Et bien, dans son rôle de contrepoids, il réalise un sans faute. Brigitte Buc lui a écrit une superbe partition. Sous sa brutalité apparente, se cache un homme blessé qui voue aux femmes une aversion assumée.


Grâce à ces quatre beaux personnages, humains et attachants, incarnés par quatre comédiens hors pair, on peut sans se tromper, prédire à cette pièce un joli succès. La quadruple prestation gomme sans difficulté les quelques imperfections d’un texte souffrant par moment de complaisance et d’incohérences, mais qui, dans l’ensemble tient bien la route. Je suis convaincu que ce Temps de chien va s’auréoler vite de l’arc-en-ciel du succès…

Gilbert "Critikator" Jouin

Même pas vrai !

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Théâtre Saint-Georges
51, rue saint-Georges
75009 Paris
Tel : 01 48 78 63 47
Métro : Saint-Georges

Une pièce de Nicolas Poiret et Sébastien Blanc
Mise en scène par Jean-Luc Revol
Décors de Stéphanie Jarre
Costumes d’Aurore Popineau
Lumières de Philippe Lacombe
Avec Raphaëline Goupilleau (Mathilde), Bruno Madinier (Arnaud), Anne Bouvier (Marie), Christophe Guybet (Bernard), Thomas Maurion (Michaël), Valérie Zaccomer (Irène)

L’histoire : La famille, ça peut être amusant pour peu qu’on soit joueur… Mathilde déteste les secrets et quand il s’agit de cuisiner Arnaud, son mari, et Michaël, son fils, elle sait se montrer très inventive. Trop peut-être ? Une chose est sûre, cette famille adore régler ses comptes en public, et leurs amis se trouvent toujours au milieu de leurs scènes de ménage. Le rire, la moquerie et l’autodérision sont omniprésents… Jusqu’au moment où la vérité éclate, et les sentiments, les  vrais sentiments, font leur apparition…

Mon avis : Voici une pièce qui ne peut laisser indifférent tant, au cours de son déroulement, on passe par des états d’esprit variés. D’abord, c’est une des pièces les plus féroces, les plus impitoyables qu’il m’ait été donné de voir. Et, pourtant, paradoxalement, elle diffuse en filigrane énormément d’amour. C’est une des bizarreries de cette œuvre.
La force de Même pas vrai !, c’est son texte. C’est un véritable tsunami de vacheries. Au niveau des dialogues, c’est un train fou qui nous emporte, un véritable « cynique railway ». Autant de perfidie dans les répliques, de situations déstabilisantes à cause de ce qui est proféré, c’est quasi épouvantable. De ce ping-pong assassin, on ne peut pas sortir indemne. Et c’est vrai que j’ai été traversé sans cesse par des sentiments contradictoires.


Pour qui aime les bons mots, c’est un florilège. On en consomme sans aucune modération. Mais lorsqu’on essaie de s’attarder sur l’intrigue, on est un tantinet ballotté. Notre wagonnet incontrôlable nous entraîne parfois dans des contrées qui ne nous rassurent guère. Où peut mener autant de méchanceté ? Bonjour les dégâts collatéraux ! J’ai vu des gens quitter subrepticement la salle en profitant d’un changement de décor… Il est sûr que si on la reçoit stricto sensu, cette pièce a de quoi déstabiliser les rigoristes. Par moment, submergé par une trop grande accumulation de propos vipérins, je me suis dit que les auteurs, par pur plaisir d’en rajouter, se croyant à l’école des vannes, avaient un peu trop chargé la mule. Il est vrai que ce peut être enivrant.


A un moment, vers le milieu de la pièce, j’ai décidé de lâcher prise et de me laisser porter sans essayer de m’accrocher à un hypothétique réalisme. Et tout m’a paru soudain plus facile. J’ai pu goûter sans arrière-pensée tout le sel de certaines formules qui faisaient vraiment mouche. Et, surtout, j’ai enfin compris le personnage de Mathilde.
Mathilde est le pivot de la pièce. Tout tourne autour d’elle. Il y a un réel masochisme à l’aimer. En fait, Mathilde fuit la réalité. Elle en a peur. Alors, elle se construit et impose à ses proches un monde virtuel, factice, qui lui permet de donner libre cours à sa fantaisie débridée et assassine. Son mari, Arnaud, qui l’aime sincèrement, s’engouffre dans son jeu et lui donne une brillante réplique. Leur fils, Michaël, qui se sait voué depuis tout petit au rôle de tête de Turc, connaît par cœur la mécanique et embraye sans difficulté pour se mettre au diapason… Ce n’est que des heures plus tard – car cette pièce interpelle encore longtemps après – que j’ai réalisé que Mathilde était une femme en souffrance et que chacun l’aidait à sa manière, mais à tort, à supporter son mal-être.


Même pas vrai !est un ovni qui a bien plus de fond qu’il n’y paraît. Elle repose entièrement sur des dialogues écrits avec deux plumes trempées dans l’acide. Et il faut saluer l’immense talent des six comédiens. On les sent impliqués, complètement dans leurs personnages de frappadingues. La palme revient évidemment à Raphaëline Goupilleau. Les auteurs ont mis dans la bouche de Mathilde les répliques, les plus saignantes, les plus abominables. Elle les sert à ravir avec sa voix à la sonorité si particulière. Et elle est remarquablement entourée par une brochette de comédiens totalement désinhibés, qui n’ont peur de rien, et surtout pas du ridicule. Certaines répliques ou situations provoquent des rires inextinguibles, entraînant le reste de la salle.

Je ne sais pas si cette pièce trouvera son public. Même quand on se pose des questions, on ne s’y ennuie pas une seconde tant elle est rythmée et acerbe. Et elle est tellement bien interprétée !

Et si, finalement, tout ce que je viens de vous raconter, c’était même pas vrai ? A vous d’aller voir…

Gilbert "Critikator" Jouin

Des fleurs pour Algernon

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Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

D’après l’œuvre de Daniel Keyes
Adaptation de Gérald Sibleyras
Mise en scène d’Anne Kesssler
Scénographie de Guy Zilberstein
Lumières d’Arnaud Jung
Avec Grégory Gadebois

Présentation : Algernon est une souris de laboratoire. Elle a subi une opération du cerveau, deux chercheurs veulent accroître son intelligence. Encouragés par les progrès extraordinaires d’Algernon, ils tentent l’expérience sur un homme, Charlie Gordon. Charlie est simple, son QI ne dépasse pas 68. Mais il a envie d’apprendre, surtout grâce à Miss Kinian, son professeur dont il est secrètement amoureux…
L’opération réussit. Commence alors le combat pacifique entre Algernon et Charlie sur fond de découverte du savoir, de l’intelligence, de la connaissance, de l’amour, jusqu’à ce que…

Mon avis : « Meilleur Spectacle du Théâtre privé », « Meilleur Comédien » et « Prix Beaumarchais du meilleur Acteur » pour Grégory Gadebois en 2013…
Pour ceux qui, comme moi, ont manqué ce rendez-vous l’an dernier, il est interdit de réitérer cette erreur et profiter des séances de rattrapage qui sont proposées au Théâtre Hébertot. Je me suis rendu boulevard des Batignolles dans le même état d’esprit qu’un fin gourmet allant dîner dans un restaurant triplétoilé. J’en salivais d’avance, sachant que j’aller déguster un mets rare. Et bien, j’ai été comblé, satisfait, enchanté par autant de délicatesse, de raffinement.


La performance de Grégory Gadebois est proprement époustouflante. Dès les premières secondes, son personnage nous happe, nous attire et nous fascine. Il campe un attardé mental hyper-attachant, émouvant et drôle, terriblement humain tout en évitant la moindre once de pathos. Quelle composition ! Tout y est : le débit hésitant, les gestes compulsifs, les analyses et réflexions simplistes mais pleines de bon sens et de logique. Comment ne pourrait-on pas tomber en empathie avec ce Charlie Gordon à la fois si démuni et si motivé avec sa soif d’apprendre.


On n’a pas envie de s’étendre sur ce genre de spectacle. On ne peut que se répandre en louanges et partager tout le plaisir que l’on reçoit avec les spectateurs qui nous entourent. Applaudissements nourris, « bravos » qui fusent, tout le monde a envie d’exprimer bruyamment son ravissement et de remercier de la façon la plus tangible qui soit ce comédien qui vient de nous offrir une prestation hors pair. Quelle sensibilité, quelle subtilité, quel jeu !


Je ne peux que vous encourager, à vous exhorter même, à aller vivre ce grand moment de comédie.
Après, vous aussi, vous n’aurez qu’un seul impératif : des fleurs pour Grégory Gadebois…

Je préfère qu'on reste amis

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Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce de Laurent Ruquier
Mise en scène par Marie-Pascale Osterrieth
Lumières de Laurent Castaingt
Décors de Pierre-François Limbosch
Costumes de Charlotte David
Musiques de Jacques Davidovici
Avec Michèle Bernier(Claudine) et Frédéric Diefenthal(Valentin)

L’histoire : ‘Je préfère qu’on resta amis » c’est la phrase qu’il ne fallait pas prononcer. La réponse toute faite que Claudine ne voulait jamais entendre ; et surtout pas de la bouche de Valentin à qui, ce soir-là, elle a enfin décidé de dévoiler son amour.

Mon avis : J’ai vu toutes les pièces de Laurent Ruquier. Il y en a que j’ai beaucoup aimées, d’autres moins. Au niveau de l’écriture, je tiens Je préfère qu’on reste amis pour la plus aboutie, la mieux ciselée. Il nous a pondu là une vraie comédie romantique, mais pas romantique avec la bouche en cœur et les violons, bellâtre suffisant et couguar enamourée… Une histoire d’amour jamais sirupeuse avec des mots de tous les jours, moderne, incisive, rythmée et terriblement drôle… Mais pas que drôle. Il y a distillé ça et là quelques plages d’émotion qui nous prennent bien à la gorge. Et, surtout, il a dessiné deux très beaux caractères de femme et d’homme ce qui lui permet de les mettre en opposition aussi bien dans la tendresse que dans la violence. Car Claudine et Valentin sont rarement au diapason. Tout au long de la pièce, ils évoluent en parallèle, en décalage, et on passe notre temps à se demander si ces deux parallèles vont finir à se croiser à un moment. C’est très, très bien construit, tout à fait cohérent et plein d’humanité. Les personnages existent, on y croit. Chacun d’eux propose (ou oppose) à l’autre une argumentation qui se défend.

C’est du concentré de Ruquier. Il y a mis le meilleur de tout son savoir-faire. Pas une seule fois, il ne s’est laissé aller à son pêché mignon, le calembour gratuit. Ici les jeux de mots, les vannes, les saillies viennent toujours à propos. De même a-t-il réussi à y placer son amour de la chanson en faisant interpréter à cette midinette de Claudine quelques extraits qui, plutôt que de figer l’action, s’inscrivent joliment dans le propos et le soulignent. Ces chansonnettes font partie intégrante de l’action. En plus, elles nous donnent à découvrir un talent de chanteuse que Michèle Bernier nous avait jusque là bien caché.
Les dialogues sont remarquablement troussés. La pièce, fort bien construite avec ses rebondissements inattendus, nous fait passer du rire à l’émotion, de la folie douce à la raison. La mise en scène, tonique, offre son lot de surprises de bon aloi. Excellente idée que cette double succession de monologues devant le rideau au cours desquels Claudine et Valentin se livrent à leur propre analyse de la situation.


En même temps, cette pièce, pour remarquablement écrite qu’elle soit, vaut également par la prestation de ses acteurs. On sait que Laurent Ruquier a écrit le rôle de Claudine à l’intention de Michèle Bernier. La connaissant par cœur, il savait parfaitement ce qu’il pouvait lui faire dire et jouer. Il lui a fait du sur mesure. Michèle peut donner libre cours à sa fantaisie débridée, à son énergie dévastatrice mais également laisser apparaître sa grande fragilité et son côté fleur bleue. Quand on vous dit que c’est une comédie romantique !
On savait tout l’étendue du talent et de la sensibilité de Michèle, mais encore fallait-il qu’on lui adjoigne un partenaire qui puisse lui rendre la pareille. Frédéric Diefenthal nous offre une composition à la fois toute en finesse et en autorité. Comme son personnage a, contrairement à celui de Claudine qui ne cache rien, quelques zones d’ombre, il doit faire appel à toute une palette de sentiments. Sans cesse aiguillonné, poussé dans ses retranchements, il fait preuve d’une sacrée vitalité, d’une profonde honnêteté et d’un fameux sens de l’humour… La sincérité avec laquelle Michèle et Frédéric jouent leurs personnages est d’ailleurs un des autres grands atouts de la pièce.

Quand je parle d’autres atouts, je pense au décor qui est d’une beauté enchanteresse. On peut jeter des fleurs à Pierre-François Limbosch. Evoluer dans un tel décor doit sacrément aider les comédiens à se sentir romantiques.
Le seul problème que j’ai rencontré hier soir (jour de la Saint Valentin, s’il vous plaît) c’est que les gens rient tellement et se mettent spontanément à applaudir qu’ils couvrent la fin de certaines répliques. C’est d’un frustrant ! A moins que ça soit fait exprès pour que l’on se procure le livret de la pièce à l’issue du spectacle… Non, sincèrement, il y a des réparties qui sont vraiment d’un très, très haut niveau.
La pièce dure 1 h 40 et on ne voit pas le temps passer. Ça se sent, Laurent Ruquier préfère qu’on reste ravis.

Gilbert "Critikator" Jouin


Antonie de Rendinger "Travail, Famille, Poterie"

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Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin / Auber

One woman show écrit par Antonia de Rendinger
Mis en scène par Olivier Sitruk

Présentation : Bienvenue dans la loge de madame Cayeux, 80 ans, concierge de son état et plaque tournante d’un petit immeuble où, au fil des rencontres, se croisent autant de points de vue que de personnages variés…
On embarque dès que le noir se fait dans un voyage d’une heure quinze qu’on ne saurait vraiment qualifier de « seule en scène » tant nombreux sont les protagonistes qui s’y invitent ! On remarquera surtout la manière dont chacun fait écho à l’autre, composant un puzzle jubilatoire, dans l’esprit des films choraux…

Mon avis : Je m’attendais à un bon spectacle. J’ai découvert une prestation d’une qualité allant au-delà de mes espérances. Comme beaucoup, Antonia m’avait époustouflé par son talent et son culot avec son sketch sur Miss France et ses apparitions à On n’ demande qu’à en rire m’avaient fréquemment enchanté. Et bien, Antonia gagne encore plus à être vue sur la longueur, pendant les Quatre-vingt minutes que dure son one woman show.

Antonia de Rendinger (oui, oui, comme Olivier de Benoist, c’est une aristocrate grand teint) est un véritable phénomène. Mine de rien, ça fait vingt ans qu’elle écume les planches. Ligue d’impro, théâtre, sketchs en solo… elle a un sacré bagage et de l’expérience à revendre. Et, particularité qu’il ne faut surtout pas négliger, elle a fait des études de lettres modernes et possède une maîtrise de littérature française. D’où la remarquable qualité de son écriture… Antonia, c’est de 4G agrémentée du haut débit. 4G comme Gaîté, Grâce, Générosité et Grivoiserie ; avec une touche de Génie comique.

Huit sketchs, huit performances de très, très haut niveau. Dès son entrée en scène, elle nous déclenche une irrépressible envie de faire l’humour avec elle. Elle nous entraîne dans son monde, un monde fait de folie, d’extravagance et d’irrévérence. Je crois que l’adjectif qui la qualifie le mieux à mes yeux (et à mes oreilles), c’est « truculente » (Petit Larousse : « Qui exprime les choses avec crudité et réalisme ; pittoresque, haut en couleurs »… Elle est rabelaisienne dans le sens le plus noble ‘normal pour une aristocrate qui pratique l’irrévérence) du terme. Dans son spectacle, en effet, comme chez Rabelais, il y a de l’épique, du parodique, de l’exagération, de la satire, de la paillardise, voire de la scatologie et, surtout, elle est la démonstration vivante de l’adage « le rire est le propre de l’homme ».


Olivia sait tout faire. Du mime (voir le premier sketch), elle prend tous les accents, elle danse remarquablement (voir sa bluffante chorégraphie du septième sketch), elle a l’art d’incarner des personnages. Visiblement, elle n’a aucune limite. Elle n’a peur de rien. Elle est sacrément gonflée… J’ai tout aimé dans ce spectacle : le jeu, l’audace, le délire, l’écriture, la mise en scène. C’est d’une efficacité rare. Jacqueline Cayeux, la concierge qui est le fil rouge de Travail, Famille, Poterie, est une sorte de compromis pour la voix entre Michel Serrault et la Gisèle des Vamps. Cette bignole est une sacrée nature. Son franc-parler est dévastateur. Comme Monsieur Jourdain, elle pratique sans le savoir l’anticonformisme, la xénophobie, le politiquement (très) incorrect, la subversion. Etre, en même temps, elle peut s’avérer touchante.
Dans ce spectacle qualitativement impeccable, deux sketchs m’ont arraché encore plus que les autres des spasmes de rire : l’épilation et la conférence sur le nombril. Mais, motus et clavier cousu, je n’en révélerai absolument rien.
Précipitez-vous aux Mathurins. Vous y passerez un moment de bonheur total. Antonia de Rendinger possède un talent monstrueux. C’est une auteure et une comédienne hors pair. Elle a largement sa place au Panthéon de l’humour…


Gilbert « Critikator » Jouin

Artus "Al Dente"

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Petit Palais des Glaces
37, rue du Faubourg du Temple
75010 Paris
Tel : 01 48 03 11 36
Métro : République / Goncourt

Seul en scène écrit et interprété par Artus

Présentation : Artus met les petits plats dans les grands pour vous concocter un menu qui comblera les gourmands d’humour et les gastronomes de la déconne. Il se met à poêle pour un show Al Dente ! Un one man à déguster tant que c’est chaud, cuisiné par un chef qui vous aime déjà.

Mon avis : Artus a qualifié son spectacle d’« Al dente », terme culinaire italien qui se traduit par « ferme sous la dent »… Effectivement, le plat qu’il nous sert dans sa petite trattoria du Palais des Glaces n’est ni mollasson ni tiédasse. Il se révèle en outre plutôt roboratif et, surtout, assez relevé.

Il est malin l’Artus ! Après une entrée en scène qui sonne comme un générique de blockbuster, genre garçon-qui-se-la-pète, il se présente au contraire à nous avec énormément de simplicité et de naturel. Pendant le premier quart de son spectacle, il nous la joue vraiment bonne pâte. C’est le bon copain qui se réjouit de partager sa cuisine et qui en profite pour nous raconter sa vie. Comme il y met un maximum d’autodérision, il nous met tout de suite dans sa poche et provoque illico la sympathie. Son entrée est très conventionnelle, il a choisi des mets simples que tout le monde peut déguster sans difficulté avec le sourire. Il nous met à l’aise, installe un climat convivial en s’adressant régulièrement à ses convives d’un soir. On sent qu’il s’intéresse vraiment à nous ; ça nous détend le tube digestif et nous met dans les meilleures dispositions pour découvrir la suite du menu.


Les antipasti ayant passé tout seuls, sans se départir de son allure et de son sourire bonhommes, il commence à servir le plat de résistance : son parcours professionnel avant qu’il soit comique et devienne une « star » du petit écran via On n’ demande qu’à en rire. Et là, insidieusement d’abord, il commence à introduire des petits piments dans sa préparation. Il saupoudre ça et là son propos de pincées d’humour noir, voire très noir. J’ai entendu une dame s’écrier spontanément « Quelle horreur ! ». Dès lors, la suite du repas va être de plus en plus relevée. De crainte que notre palais (des Glaces ?) ne s’accoutume trop vite à une certaine acidité, il ne va plus cesser de sur-épicer son assaisonnement. Pour assaisonner, il assaisonne ! Il en met partout, il y en a pour tout le monde.


L’air toujours aussi patelin, il balance des vannes de plus en plus subversives, étale des images franchement osées, prend tous les accents (asiatique, arabe, ashkénaze, italien…), n’épargnant ainsi aucune communauté, va même jusqu’à s’offrir un couplet plein de perfidie sur les handicapés… Pour notre plus grand plaisir, Artus s’avère être un garçon très incorrect. On en redemande et, comme il y a du rab, il nous en ressert.
Al Dente est une gourmandise qui fait du bien à une époque où l’on a tendance à s’effaroucher de tout et à tout aseptiser. Artus nous a concocté un menu audacieux, composé de douceurs (un peu) et d’impertinence (beaucoup). Personnellement, j’y ai fait bonne chère.
Et puis, il ne faut pas bouder sur le dessert. C’est un morceau de choix qu’il nous propose avec une parodie remarquablement écrite de la tirade des nez de Cyrano de Bergerac qui, sans que je vous en dise plus sur le thème, n’est pas sans fondement…


Gilbert « Critikator » Jouin

Yoann Fréget

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Quelques heures avec moi

J’ai eu peur… Hou-la-la, j’ai eu même très peur !
Il m’a fallu attendre le cinquième titre du premier CD de Yoann Fréget pour commencer à prendre du plaisir.
Pourtant, la première chanson débute de manière fort sympathique et agréable et puis, soudain, il se met à sur-chanter, un peu comme des comédiens sur-jouent. Et encore, Quelques heures avec moi reste dans le domaine du supportable et son arrangement, bien léché, y contribue énormément… Les trois titres suivants appartiennent trop au registre de la performance pour les apprécier simplement.
Yoann veut trop prouver, tout et tout de suite. Alors, il passe en force, part dans des vocalises extrêmes au détriment du sens. Trop d’effets vocaux, parfois carrément maniérés, tuent les effets.
A trop vouloir être dans la performance, il anesthésie en nous une curiosité qui, pourtant, lui était a priori favorable eu égard à ses prestations dans The Voice.

En France, c’est bien connu, on a cette manie chronique de glisser dans nos chroniques des comparaisons, de mettre les gens dans des cases. Je n’échappe pas à la règle. J’ai trouvé dans l’univers musical de Yoann Fréget un véritable cousinage avec celui de Ben L’Oncle Soul. Mais là où ce dernier fait dans la légèreté, le vainqueur de The Voice 2 choisit de montrer les muscles de ses cordes vocales. La démonstration technique prime sur le fun, et c’est regrettable.


Heureusement, à partir de L’Equilibre, grâce à une interprétation « sur la corde sensible », les choses s’arrangent. S’en suit tout logiquement une prouesse d’« équilibriste » avec Les mots que l’on ne peut pas dire. Dans la foulée, mes oreilles enfin apaisées, j’ai apprécié le swing revigorant de Nos états unis.
Et puis arrive la chanson qui, pour moi, est le tube de cet album, le très gospellisant Ça vient de là-haut.
Quand Yoann joue délibérément dans le registre de la retenue, qu’il montre qu’il est capable d’une certaine sobriété comme dans Terre-Mère, Je donne et Un cœur de femme, on goûte réellement à ses chansons. Même si l’on déplore toujours quelques scories avec des montées spectaculaires dans la voix de tête ou avec l’emploi superflu et un peu systématique de virgules de scat.
Trois autres titres m’ont également bien plu : Couleurs Love, pour sa superbe ambiance et sa luminosité, C’est tout conne, pour l’orgue et le jeu avec les chœurs, et Volepour sa belle mélancolie (hormis les vilains miaulements émis à l’approche de la fin).

Bref, dans l’ensemble, Quelques heures avec moi est un album honorable. Yoann Fréget a commis l’erreur du débutant en voulant trop bien faire et montrer dès son premier CD tout ce qu’il était capable d’exprimer avec son organe exceptionnel… Son talent est indéniable, mais je suis convaincu qu’il y gagnerait avec plus de simplicité. Il faut qu’il oublie la technique – il la possède - au profit de l’interprétation et de la sensibilité. Dès qu’il opte pour la douceur, il nous touche.

Enfin, on ne peut évoquer cet album sans en souligner la grande qualité de ses arrangements. Sur le plan musical, il est vraiment fignolé, discret, léger tout en préservant la tonicité festive du rhythm’n’blues et de la musique funk. Et les chœurs sont vraiment chouettes. Honnêtement, de ce côté-là, c’est une totale réussite et un régal à écouter (de préférence au casque pour en souligner toute la richesse et les subtilités).

Un Singe en hiver

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Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité

Roman écrit par Antoine Blondin
Mise en scène de Stéphane Hillel
D’après le film réalisé par Henri Verneuil, dialogué par Michel Audiard
Adaptation théâtrale de Stéphan Wojtowicz
Lumières de Laurent Béal
Scénographie d’Edouard Laug
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Avec Eddy Mitchell (Albert Quentin), Fred Testot (Gabriel Fouquet), Evelyne Dandry (Suzanne), Gérard Loussine (Landru), Chloé Simoneau (Marie-Jo), Stéphan Wojtowicz (Esnault)

L’histoire : Gabriel Fouquet arrive un soir d’automne dans l’hôtel tenu sur la côte normande par Albert Quentin. Une amitié va naître entre les deux hommes. L’un boit, l’autre ne boit plus…

Mon avis : Sacré défi à relever que de porter au théâtre Un singe en hiver, roman magistral d’Antoine Blondin, et film culte d’Henri Verneuil dialogué, qui plus est, par Michel Audiard ! Ce film a beau dater de plus de cinquante ans, les personnages particulièrement hauts en couleurs d’Albert et Gabriel, respectivement incarnés par Gabin et Belmondo, sont encore gravés dans nombre de mémoires. Il fallait donc tenir compte de tous ces paramètres pour cette adaptation théâtrale.


Disons-le tout net, cette pièce repose uniquement sur les dialogues et le jeu des deux protagonistes principaux, Eddy Mitchell et Fred Testot... L’ambiance est parfaitement recréée. Dès qu’on pénètre dans la salle du Théâtre de Paris, on se retrouve sur un bord de mer typique du Calvados avec ressac et cris de mouettes. Il ne nous suffit plus que de rentrer dans le village à la suite de Gabriel Fouquet par un soir d’orage pour faire connaissance avec Tigreville, son hôtel Stella et ses débits de boisson.
Grâce à un jeu de décors glissants, à l’instar de Gabriel, un garçon qui a de la cuite dans les idées, on va pratiquer l’exercice aventureux des bars parallèles. Et, en dépit de son effarante consommation de Picon-bière, on peut dire qu’en tant que comédien, Fred Testot tient la route ! Il a une vraie présence. Même si, parfois (est-ce volontaire ?), il a des intonations à la Belmondo, il ne le parodie pas. Il possède remarquablement son rôle, psychologiquement et physiquement (quelle démonstration de flamenco !). Moins matamore que Bébel quand il fait le singe en ibère, il tire plus sur la corde sensible. Il se prend certes pour un toréador, mais c’est lui qui porte les cornes. D’où cette souffrance inaltérable qu’il cherche en vain (en vin ?) à noyer dans l’alcool. Heureusement, il a en lui une forme de fierté qui l’empêche de tomber dans la tragédie. Gabriel a la picole buissonnière, réjouissante, partageuse, propice à l’imaginaire. Des qualités qui ne peuvent que séduire cet alcoolique repenti d’Albert.


Albert, c’est Eddy Mitchell… Suite à une promesse fait à sa femme quinze ans plus tôt, Albert s’est rangé des bitures. Il fut pourtant un sacré leveur de coude. Lui aussi avait l’ivresse onirique et flamboyante. Il en a gardé une certaine nostalgie, mais avec le sens de l’honneur d’un ancien fusilier-marin, il a définitivement renoncé à la bibine. Définitivement ? C’était sans compter avec l’irruption dans son hôtel de Gabriel. L’effet miroir est implacable. Albert sent monter en lui une irrésistible bienveillance, une compréhension. Une solidarité même. Et un ardent désir de compagnonnage. Quand on veut rêver de Chine, il est nécessaire de se remettre au jaune, au pastis, quoi…
Eddy Mitchell attaque son rôle en sourdine. Ses gestes et ses mots sont mesurés, contrastant avec les délires et la fougue de Gabriel. Eddy commence son récital par une ballade ; mezzo voce. Puis, on le voit prendre progressivement le rythme, se mettre à l’unisson, pour finir carrément rock’n’roll. Il est très à l’aise dans ce registre-là, celui de la déconne altière, celui des seigneurs de la défonce… Il y est à l’aise comme un glaçon dans le whisky.

L’atout ce cette pièce, ainsi que je l’ai formulé plus haut, c’est la qualité des dialogues peaufinés par Stéphan Wojtowicz. Il a eu la malice de faire un cocktail avec les mots de Blondin et ceux d’Audiard. Il a secoué et il a obtenu du « Blondiard » ! C’est vraiment de la belle ouvrage pour les amateurs de jolies formules à la fois truculentes et pleines de poésie… Stéphan Wojtowicz, qui campe d’ailleurs gaillardement Esnault, le patron du Café Normand…
Bien sûr, les autres rôles sont un peu écrasés par les deux personnages principaux. Mais chacun y apporte une touche personnelle. Les deux femmes sont sympathiques, positives, touchantes, pleines de tendresse et de compréhension. Gérard Loussine est toujours aussi bon et il compose, au moment du bouquet final, un parfait troisième larron.
 Il y a peut-être ça et là quelques petites longueurs (par exemple l’histoire du pull over rapportée par Landru), mais on se laisse facilement happer par cette belle histoire d’amitié et par l’émotion qui nous gagne sur la fin.

J’ai eu le bonheur de fréquenter Antoine Blondin, de lui rendre visite chez lui, rue Mazarine, et d’y petit-déjeuner d’un grand Bourgogne en parlant rugby à côté du canapé ou Guy Boniface avait passé une de ses dernières nuits. Je suis convaincu que, bien que modeste, il eût fortement apprécié cette adaptation de son roman.


Gilbert « Critikator » Jouin

Jeff Panacloc perd le contrôle

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Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Pari
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin / Madeleine / Saint-Lazare / Auber

Spectacle écrit et interprété par Jeff Panacloc
Mis en scène par Jarry

Présentation : Jeff Panacloc perd le contrôle sur Jean-Marc, un singe carburant à l’adrénaline…
Lequel des deux va(re)prendre le contrôle du spectacle ? A vous de le découvrir surtout quand Jeff devient Jean-Marc et vice-versa… Jeff parviendra-t-il à expliquer à un singe narcissico-mégalo qu’il n’est finalement qu’une peluche avec un bras dans le c…

Mon avis : On m’avait prévenu – mais j’avais un peu de mal à y croire – qu’au bout de quelques minutes, on oubliait que Jean-Marc était une peluche pour le considérer comme un personnage à part entière. Et bien, je confirme, l’effet est saisissant tant la bestiole est omniprésente et tant sa gestuelle et ses réactions sont réalistes.
Ça dépasse totalement la ventriloquie telle que je m’en souvenais. Ici, Jeff Panacloc nous offre un grand numéro de funambulisme sur une corde qui n’est pas que vocale, un véritable show de duettistes. On a beau fixer (du moins au début) notre attention sur les lèvres de Jeff, rien ne bouge et pourtant, il utilise toutes les tonalités qu’une voix peut exprimer (vociférations, murmures, soupirs, voix rauque, voix de tête…). En plus, ça va à toute vitesse. La performance est étourdissante. En outre, au-delà  de l’aspect purement technique de la prestation, on a droit à une vraie qualité de texte.


Jeff Panacloc a l’ingéniosité de s’effacer totalement derrière sa créature. Il se donne même le mauvais rôle car Jean-Marc ne cesse de se moquer de lui, de le mettre en boîte, de le déstabiliser. C’est un sacré énergumène le Jean-Marc. Déjà, le fait de porter un prénom masculin l’humanise. Ce n’est pas seulement une sorte de macaque sans-gêne, c’est un garnement effronté, un sale gosse qui ose tout. C’est simple, il n’a que des défauts : il est susceptible (donc boudeur), grossier, obsédé sexuel, iconoclaste, persifleur, mégalo… Cet orang-(dég)outan  n’a aucun scrupule. C’est peut-être le fait de devoir se montrer en public avec un bras dans l’arrière-train qui le rend comme ça… malotru !


Bref, Jeff Panacloc perd le contrôle est un spectacle aussi réjouissant que dévastateur. Jeff n’est pas qu’un étonnant ventriloque, il est aussi un excellent comédien et, surtout, un as de l’improvisation. Il faut voir comment il fait réagir Jean-Marc en fonction de certaines attitudes du public, une toux, un fou-rire, un gloussement à contre-courant, un vêtement voyant… Il ne fait pas toujours bon être au premier rang avec ce singe moqueur qui ne rate rien.
En fait, Jeff Panacloc s’en fout que Jean-Marc soit la star du spectacle car, le talent, c’est tout de même lui qui l’a…

Gilbert « Critikator » Jouin


Yoann Fréget

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Mea culpa… Mea maxima culpa…
Hier, j’ai rencontré Yoann Fréget. Je l’ai observé, je l’ai écouté, et je me suis aperçu que je m’étais complètement planté dans ma façon d’appréhender son album. J’avais trouvé qu’il en faisait un peu trop, qu’il était dans la démonstration, qu’il voulait montrer toute la richesse de son spectre vocal.
J’avais tout faux.
J’ai découvert au contraire un garçon tout à fait humble, discret, courtois. Un pur !
Parfois, il vaut mieux ne jamais se retrouver en présence d’un artiste qu’on apprécie car la personne se révèle bien moins intéressante que son œuvre. Le fait de rencontrer Yoann par hasard m’a fait d’abord découvrir un être humain. Dans « être humain », le mot important, dans son cas, c’est « humain ». C’est ce qu’on appelle une belle âme. Et âme, en anglais, c’est « soul ». Yoann est complètement en phase entre ce qu’il est et ce qu’il chante. Ce qui m’a le plus touché, c’est sa réelle modestie et sa lumineuse sérénité. Il est authentique, quoi, il ne triche pas. Il EST. Et il veut partager en toute simplicité.


En rentrant chez moi, j’ai immédiatement réécouté son album. Et je l’ai entendu différemment.

Je suis désormais absolument convaincu que Yoann Fréget – il ne le sait sans doute pas – est missionné. Il est là pour apporter du bonheur à son public. Et je prends tous les paris pour affirmer qu’il est parti pour une très, très grande carrière.

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