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Sahar & Jérémy

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Théâtre du Petit Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
Métro : Villiers / Rome

Texte écrit et interprété par Aurore Auteuil
Mis en scène par Ladislas Chollat
Chorégraphie de Lionel Desruelles
Lumière d’Alban Sauvé
Vidéo de Natalie Cabrol
Graphisme d’Emilie Chollat

Présentation : C’est l’histoire d’une rencontre. La rencontre de deux jeunes gens. Un garçon de café, qui s’appelle Jérémy, et une fille qui vient de loi, qui s’appelle Sahar.
Jérémy traîne les valises de son enfance, de son passé, comme des boulets aux pieds dont il n’arrive pas à se débarrasser… Et, il tombe amoureux d’une fille. Cette fille-là, elle n’est pas vraiment jolie, mais elle a des choses à dire. Des choses à Lui dire. Cette fille-là, elle a posé sur lui des yeux e tendresse : elle ne le voit pas, elle le regarde. Et c’est sa première fille à Lui. C’est la première fois qu’il existe vraiment pour quelqu’un. Du coup, il ne veut plus la lâcher. Il se dit que c’est celle qu’il lui faut. Il a 18 ans, et déjà plus rien à perdre. Alors, il décide d’essayer…

Mon avis : Scotché ! Aurore Auteuil m’a littéralement scotché… Et à tout point de vue.
Dans cette très agréable petite salle du théâtre Hébertot qui plonge sur la scène, on ne peut jamais laisser notre attention se distraire. On est tellement proche qu’on fait corps avec l’artiste. Il n’a pas droit à la moindre erreur, on voit tout…
La première image nous emporte immédiatement. On n’a pas une jeune femme devant nous, on découvre une sorte de petit loubard comme en voit tant : bonnet vissé sur le crâne, pantalon informe de jogging, sweat à capuche sans manches. Un mec. Un drôle de zigoto même. Un zigoto de 18 ans qui va nous raconter en six chapitres quinze ans de sa vie… C’est Jérémy.

Le spectacle d’Aurore Auteuil est un one man show. Pendant plus d’une heure, elle incarne Jérémy, avec sa façon saccadée de se mouvoir, sa diction particulière, hachée, syncopée, la voix forte d’un qui a de toute évidence toujours été obligé de crier pour essayer de se faire entendre… Jérémy se raconte. Sans complaisance, sans faux-fuyant. Cash ! Pas marrante son enfance à Villeneuve-sur-Lot. Un père qui boit et qui cogne. Dur. Alors, à 18 ans, c’est la fugue, la fuite vers Paris. Paris où aura lieu la rencontre avec Sahar. La brutalité rencontre la douceur, le réalisme se teinte de poésie.
Il est interdit d’en dire plus sur cette histoire d’amour. Le plaisir est trop grand de se laisser emporter par ce torrent tumultueux. Aurore « Jérémy » Auteuil est fascinante. Elle a laissé toute féminité au vestiaire (sauf lors des rares interventions où elle se mue en Sahar). Elle n’est pas dans la séduction, elle est dans la conviction, dans un lâcher prise abyssal. Elle nous entraîne effectivement dans les abîmes d’une âme simple et torturée. Le manque d’amour de son enfance a fait de Jérémy un être qui ne connaît que la violence ; la violence des mots et celle des gestes. Quand il le perçoit, l’amour, ça le déstabilise tellement que, passé le stade de l’émerveillement, il retombe dans ses travers ataviques. Pas normal qu’on l’aime…


Les six chapitres de l’histoire de Sahar et Jérémy sont composés de brèves saynètes, de courts tableaux. Des tableaux illustrés de dessins qui se forment sous nos yeux enchantés. Le graphisme d’Emilie Chollat et les projections vidéo de Natalie Cabrol apportent une superbe et lumineuse note de poésie dans cette sombre tragédie humaine. L’alchimie est parfaite. Ces moments de grâce nous aident à accepter ce que Jérémy nous impose. C’est comme ces fleurs multicolores qui poussent de façon incongrue et surnaturelle le long d’un chemin misérable.

Vous l’aurez compris, la performance scénique d’Aurore Auteuil est impressionnante. Non seulement on a affaire à une sacrée comédienne qui s’offre et se dépouille totalement, mais on découvre une étonnante auteure. Son écriture, tout en langage parlé, est vive, moderne, colorée. Le texte de la chanson Je bois– car elle chante et elle danse aussi – est un petit bijou.

Comme toutes les personnes autour de moi, j’ai été happé par la prestation d’Aurore Auteuil. On ne voit pas le temps passer. Sahar, ça arrache ! C’est un cri d’amour qui retentit pendant une heure, un cri qui nous touche en plein cœur, qui nous émeut, qui nous révolte, qui nous laisse impuissant sur notre fauteuil car on se dit qu’il en existe plein des Jérémy comme celui-là. Des Jérémy qui ne rencontrent pas toujours leur Sahar. Mais est-ce un bien pour elle ? A vous d’aller voir comment ça se termine…

En tout cas, chapeau bas et total respect Mademoiselle Auteuil !!! Vous m’avez pécho…

Gilbert "Critikator" Jouin

La Boussole

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Théâtre La Boussole
29, rue de Dunkerque
75010 Paris
Tel : 01 85 08 09 50
Métro : Gare du Nord


Le fait est assez rare pour qu’il soit souligné et notifié : une nouvelle salle de théâtre vient de voir le jour. Il s’appelle La Boussole. Comme son nom le laisse entendre, il indique le Nord. Plus précisément la Gare du Nord, car il se niche tout à-côté.
L’endroit est superbe, à la fois moderne et chaleureux. Tout y a été conçu pour privilégier la qualité de l’accueil et le bien-être des spectateurs. On s’y sent effectivement vraiment bien.

Actuellement, à l’affiche de cette salle de 280 places :
-          La Vie rêvée des profs (du mercredi au dimanche à 21 h)

-          Blanche Neige et moi (le dimanche à 14 h)

Le Bal des Vampires

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Mogador
25, rue de Mogador
75009 Paris
Tel : 01 53 33 45 30
Métro : Trinité / Chaussé d’Antin / Havre-Caumartin / Auber

Hier, 17 mars, avait lieu à Mogador la présentation du prochain spectacle programmé dans ce théâtre désormais dédié, avec le succès que l’on sait, à la comédie musicale. Le septième musical à l’affiche le 16 octobre prochain sera donc Le Bal des Vampires.

Paradoxe bien français, cette adaptation du film-culte de Roman Polanski sorti en 1967, a mis dix-sept ans pour revenir dans son pays d’origine. Ce spectacle, mis en scène par son créateur, a en effet vu le jour en 1997 à Vienne, en Autriche. Le livret a été écrit par Michael Kunze (Elisabeth, Mozart !, Rebecca, Marie-Antoinette…) et la musique composée par Jim Steinman (Bat Out Of Hell pour Meat Loaf, Total Eclipse Of The Heart pour Bonie Tyler…).
Aujourd’hui, Le Bal des Vampires a été joué près de 7000 fois et a déjà été applaudi par plus de 7 millions de spectateurs dans 17 villes et 11 pays différents.
C’est donc un spectacle particulièrement rôdé et redoutablement efficace qui arrive enfin à Paris.

Ce musical a gardé tous les ingrédients qui ont fait le succès du film : la parodie, le décalage, l’humour, le grand guignol…
C’est un genre adulé qui attire un public de mordus depuis plus d’un siècle puisque le tout premier film, The Vampire, date de… 1910 ! Depuis, des dizaines et des dizaines de films ont régulièrement vu le jour. Très récemment les cinq longs métrages de la série Twilight ont connu un spectaculaire succès international.
Mais seul Le Bal des Vampires a joué résolument la carte de la parodie et de l’humour.


Hier, à Mogador, Roman Polanski et Michael Kunze sont venus eux-mêmes présenter leur bébé, un bébé certes un peu pâlot pour ne pas dire livide, mais déjà doté de quatre solides incisives et très porté sur le gros rouge qui tache. Cette présentation a permis de vérifier combien le sens de l’humour du réalisateur multi-Césarisé, Oscarisé et Palmé était resté intact. Polanski est un sale gosse de 80 printemps qui adore quand ça tourne au Carnage et provoquer la Répulsion. C’est un sacré farceur le Roman ! Il l’a d’ailleurs prouvé en se laissant mettre en boîte – au sens propre – pour se livrer à un escamotage du meilleur effet.


Avec aux manettes un garnement aussi facétieux que rigoureux, on peut légitimement s’attendre à un spectacle jouissif et haut en couleurs. Il n’y a plus que sept mois à patienter pour faire du théâtre Mogador une enclave transylvanienne où l’hémoglobine et la fantaisie vont couler à flots.
La location, comme le carnet de Bal, sont ouverts depuis hier. Personnellement, j’ai comme un bon pré-sang-timent. Ceux qui vont prendre leur billet auront de la veine…


Gilbert « Critikator » Jouin

Honfleur Tout Court

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Les 30-31 mai et 1erjuin, se tiendra à Honfleur la sixième édition de « Honfleur Tout Court », le plus important festival dédié au court-métrage.

Le court métrage est le passage pratiquement obligé pour tout réalisateur de cinéma. C’est dans ce format exigeant qu’il fait ses premières armes, qu’il apprend à manier la caméra et à diriger des acteurs. C’est la meilleure des écoles. Les plus grands noms ont ainsi acquis leurs bases. Godard, Berri, Scorcese, Jeunet, Tarantino… s’y sont formés, révélant déjà une personnalité qui allait leur permettre de construire une œuvre, leur œuvre.

Le court métrage, c’est du concentré de cinéma. La concision, obligatoire, appelle la rigueur. Elle force à aller à l’essentiel tout en montrant sa différence. Les professionnels comme le public aiment le court métrage car on peut y aborder tous les thèmes, toutes les figures de style, provoquer tous les types d’intérêt et susciter toutes les émotions.


C’est l’association « Du Vent dans les Toiles », présidée par Philippe Ayachi et Arnaud Lami, qui a sélectionné les 30 courts en compétition sur le millier qui leur ont été présentés.
Le jury de cette sixième édition, composé de sept professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, a pour président le comédien Alain Doutey. Il aura entre autres à ses côtés Samuel Le Bihan et Virginie Lemoine.

3 films seront récompensés à l’issue de ces trois journées de projections :
-          Le Phare d’Or (Prix du Jury)
-          Le Phare d’Argent (Prix du Public)
-          Le Phare de Bronze (Prix spécial « Erik Satie »)

Pour assister à ces courts particuliers, les billets 3 points de vente seront à votre disposition :
-          L’Office du Tourisme : 02 31 89 23 30)
-          Le Cinéma Henri Jeanson (pendant le Festival) : 02 31 89 51 76
-          La Mairie de Honfleur : 02 31 81 88 00


Honfleur Tout Court, c’est un condensé de Festival de Cannes, mais sur la côte normande…

La Sanction

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L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Jusqu’au 12 avril
Cette pièce sera jouée à Avignon en juillet. Théâtre du Roi René à 18 h 15.

Une pièce de Jean Barbier
Mise en scène par Idriss Saint-Martin
Décors d’Olivier Prost
Lumières de Jean-Luc Piro
Costumes de Maryvonne Hamida
Avec Diane de Segonzac (la vieille dame), Christophe Poulain (Red Douglas), Julien Tortora (Jeff), Sabine Perraud (Liz Douglas), Jacques Chailleux (John)

L’histoire : Années 70, dans une petite ville tranquille des Etats-Unis. Deux hommes que tout oppose vont, par goût du risque et pour l’appât du gain, cambrioler une pauvre vieille femme. Mais la situation tourne mal… Ils vont commettre l’irréparable. Seul l’un d’entre eux sera arrêté et jugé… A sa sortie de prison, il part à la recherche de son ex-associé…

Mon avis : C’est un crève-cœur que cette pièce doive s’arrêter le 12 avril… Sincèrement, j’ai été happé par cette histoire sombre, par ce sordide fait divers qui aurait pu s’inspirer de la réalité tant il est crédible et tant sa logique est implacable. C’est simple, à un moment du début, je lui ai trouvé un véritable cousinage avec Orange Mécanique ; Christophe Poulain, dans le rôle de Ted, n’étant pas loin de se comporter comme Alex le personnage interprété dans le film de Kubrick par Malcolm McDowell. C’est là un véritable compliment tant ce garçon réussit à distiller une inquiétante violence gratuite et à y montrer un plaisir sadique. Il fout vraiment la trouille, c’est un grand détraqué, incontrôlable et hyper-dangereux.
L’habileté de l’auteur est de lui avoir adjoint un complice qui lui est diamétralement opposé. Quand Ted fait partie de ce qu’on appelait à l’époque les « blousons dorés », Jeff lui est un authentique blouson noir, un voyou venu de la rue, un héritier de ces bandes nées au milieu des années 50 qu’un film comme La Fureur de vivre a immortalisées. Julien Tortora a ce look. On le croirait sorti tout droit de la bande des Sharks, ces latino-américains de West Side Story. Autant Ted est un adepte de la violence, autant Fred préfère agir en douceur. Ils forment un binôme façon « flic gentil » et « flic méchant ». Mais leur finalité est commune : partir avec les économies de la vieille dame.


Pendant toute la première moitié de la pièce, on est sous tension. On prend fait et cause pour la vieille dame, on a peur pour elle. Surtout qu’elle ne veut rien lâcher. Cette petite dame fragile est d’un courage hallucinant. Mais, à l’instar de la Chèvre de Monsieur Seguin, son opiniâtreté risque de ne pas être suffisante, surtout face à un barjot comme Ted… Les scènes qui se déroulent dans l’appartement de la vieille dame sont dures, âpres, sans concession. Elles sont absolument nécessaires pour nous faire comprendre les profils psychologiques des deux principaux protagonistes et préparer ainsi le terrain à la deuxième partie.

La sanction est une pièce bien construite. Elle aurait pu être malsaine, elle est uniquement machiavélique. Et, surtout, elle est remarquablement interprétée. D’abord par le duo Poulain/Tortora. Ils sont en tous points excellents. C’est d’autant plus méritoire qu’ils incarnent des personnages qui doivent faire appel à un registre de jeu très étendu. Ils sont vraiment parfaits.
Une mention particulière aussi pour la prestation de Diane de Segonzac dans le rôle hyper délicat de la vieille dame, un rôle dans lequel elle doit subir toutes sortes de violences morales et physiques, au cours desquelles il lui arrive, grâce à Jeff, de connaître quelques petits moments d’espoir. Un beau, très beau personnage.


Grand amateur de polars, j’ai aimé La Sanction pour son climat, pour la justesse de ses personnages et pour leur jeu réellement habité. C’est une pièce qui ne peut pas laisser indifférent.  Je n’ai pas regretté ma soirée…

Antoine Duléry fait son cinéma

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Grand Point Virgule
8 bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel : 01 42 78 74 76
Métro : Montparnasse-Bienvenue

Seul en scène écrit par Antoine Duléry et Pascal Serieis
Mise en scène de Pascal Serieis

Présentation : Tour à tour Belmondo, Serrault, Luchini ou Johnny, Antoine Duléry rend hommage aux grands acteurs du passé mais aussi à ses complices d’aujourd’hui. Il passe avec virtuosité d’un personnage à l’autre, du Théâtre au Cinéma, du réel à l’imaginaire : Delon croise De Niro, Luchini poétise avec Jouvet, Galabru dialogue avec Serrault. Au gré de ces rencontres improbables naissent des situations jubilatoires.

Mon avis : « Ce n’est pas de l’imitation, c’est de l’amour »… C’est en ces termes qu’Antoine Duléry définit son spectacle à la fin de son seul en scène. Toute son implication est contenue dans cette phrase. Antoine est entièrement dans l’affect, en totale empathie avec ses glorieux aînés comme avec ses contemporains. C’est un caricaturiste qui croque ses personnages sans jamais mettre dans ses portraits une once de méchanceté. Il force certes beaucoup le trait, il accentue les tics, il magnifie les tocs. Il est en permanence dans un mimétisme amplifié.

« Antoine Duléry fait son cinéma ». Le titre de son spectacle comprend deux niveaux de lecture et de réception. D’abord en donnant au verbe « faire » son sens de « construire ». Il nous livre son générique idéal, de Michel Simon et Louis Jouvet à Fabrice Luchini et Johnny Hallyday en passant par Jean-Paul Belmondo et Michel Serrault. Quelle affiche somptueuse il nous propose ! Il joue en permanence à chat-mythe… Ensuite, il « fait son cinéma » en ce sens où il en fait des caisses. Bonjour le Cabot ! Mais c’est un cabot magnifique nanti d’un sacré pédigrée car il est issu d’une longue lignée de splendides acteurs et comédiens. Il les a observés, il les a idolâtrés, il les a croisés, côtoyés, il les a absorbés et il les a digérés. Ce qui en ressort aujourd’hui, c’est la quintessence, le suc de tout cet amour. Ce spectacle, il l’a laissé grandir en lui au fil du temps, au fil des films, au fil des rencontres. Quand son trop-plein d’amour a débordé, tel un animal hermaphrodite, il accouché de ce seul en scène qui lui est si personnel. Tout Duléry est dans ce show. Il rend à ce métier-passion et à ses plus prestigieux serviteurs un formidable hommage.


La petite salle du Grand Point Virgule (200 places) était pleine comme un œuf. Le public, d’une moyenne d’âge plutôt élevée, était tout vibrionnant à l’idée de découvrir en vrai sur près d’une heure et demie tous ces personnages qu’Antoine Duléry avait esquissés sur les plateaux de télévision, particulièrement chez Michel Drucker. Un public joueur, prompt à entrer dans l’interaction facétieuse proposée par l’artiste. Plus les gens réagissent, plus il va les chercher et les provoquer. Du coup, l’ambiance dans la salle est extrêmement conviviale.

Antoine Duléry possède toutes les ficelles du métier. Il sait tout jouer, mais il excelle surtout dans la gaudriole, dans l’humour. Il fait vraiment bien son boulot mais sans donner l’impression de se prendre au sérieux. Et pourtant, sa prestation est très travaillée. Elégant, charmeur, il est visiblement là pour s’amuser et nous amuser. Son plaisir d’être sur scène est aussi évident que communicatif. Il fait le show avec une générosité de tous les instants. Ça ne ronronne jamais, il est tout le temps en action… Comme tous les comédiens, Antoine Duléry aime les mots, les belles phrases. Son texte est émaillé d’aphorismes, de citations, de jolies tirades (sa présentation de Gérard Depardieu), d’extraits de dialogues de films (Les Enfants du Paradis, Tenue de soirée, Un singe en hiver…) ou de pièces de théâtre (La Femme du boulanger). Il y ajoute même un zeste de poésie lorsqu’il évoque l’importance du public pour les artistes. Et, bien sûr, quand il le faut, il a toujours le sumo pour rire…


« Antoine Duléry fait son cinéma » et il ne gâche pas la pellicule, enchaînant sans temps mort les plans séquences et, proximité oblige, multipliant les gros plans. Et, en prime, il peut s’offrir le luxe de reprendre les meilleurs auteurs, Audiard en tête. Il n’est évidemment pas le meilleur imitateur, mais avec ses dons de caméléon, sa puissance évocatrice, on reconnaît aisément tout le monde, même les moins souvent parodiés (Pierre Arditi, Claude Rich…). Cependant certains de ses personnages sont réellement copie conforme avec les originaux : Luchini, Daniel Prévost, Johnny, Belmondo, Galabru, Noiret sont véritablement étourdissants de réalisme. Et puis, qualité non négligeable, ce diable d’homme sait aussi chanter : Barbara, Montand, Aznavour, Bécaud, Michel Legrand (très applaudi) sont remarquablement esquissés. Enfin, même quand il ne parle pas, il est capable de faire hurler la salle de rire en campant Robert de Niro uniquement avec des mimiques…


Je pense que ce one man show va l’emmener longtemps et très loin sur toutes les scènes de France car il contient la quintessence-même du spectacle et il emmène avec lui toute la fine fleur du cinéma français. Chapeau l’artiste !

Gilbert "Critikator" Jouin

Christophe "Intime"

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Inaltérable, inégalable Christophe ! Et surtout, totalement indémodable ; tout simplement parce qu’il est en dehors de toutes les modes depuis un demi-siècle… Christophe, c’est Christophe. Il ne ressemble à personne.
Aline et Les Marionnettes ont 50 ans, Les Mots bleus et Paradis perdus en ont 40. Elles sont toujours à son répertoire, mais elles ont évolué avec le temps. Comme lui. L’an dernier, à 67 ans, il s’est enfin résolu à apprendre… le piano. Et aujourd’hui, c’est derrière un Steinway qu’il se produit dans une tournée seul en scène. Ces deux là étaient faits pour s’entendre et se faire entendre. Avec leurs cordes respectives, la voix de Christophe étant un instrument à part entière, ils sont viscéralement fusionnels. Le plus mélodieux des deux n’étant pas toujours celui qu’on croit.


En pleine tournée, Christophe a sorti un nouvel album, Intime, contenant 19 titres. Il l’a enregistré en décembre dernier, devant un public restreint de privilégiés. Il a revisité ainsi ses plus grands tubes en s’accompagnant soit au piano (pour la majorité), soit à la guitare ou au synthé. Cela donne un album complètement épuré, au climat éthéré. Il s’en dégage une incroyable magie… Christophe est un laborantin. Il n’aime rien tant que de triturer les sons pour en tirer des ambiances inattendues, parfois étranges, souvent envoûtantes. Comme son titre l’indique, dans Intime, Christophe exprime son moi profond. Sa voix, il lui a laissé la bride sur le cou. Elle s’insinue dans les distorsions, se glisse dans les interstices, se love dans les arpèges. C’est d’une incomparable beauté ; le fameux "Beau bizarre" qui est son ADN.


On retrouve donc dans Intimetous les titres qui ont fait son succès mais complètement réinterprétés. Christophe s’est totalement libéré du carcan des mélodies originelles. Il n’est que feeling. Je suis convaincu que, pour n’importe quelle chanson, il l’aurait enregistrée quelques heures plus tard, il en aurait tout autre chose. Il est dans l’instant.
En plus de ses grands standards, Christophe s’est autorisé deux reprises, deux reprises qui ne sont pas anodines, loin de là. Rien que pour entendre sa version de La non-demande en mariage de Brassens, il faut se procurer cet album. Il y a mis toute son âme ; il la magnifie. Moi qui suis un inconditionnel de « Tonton Georges », j’ai été littéralement transporté, touché au cœur, par cette extrême sensibilité, par cette justesse de ton qui colle parfaitement au texte. Du grand art !

La seconde reprise, c’est Alcaline d’Alain Bashung. Sans jeu de mot, il est pile dedans, en totale harmonie avec le créateur. Il y a une certaine fraternité artistique entre ces deux hommes, deux perfectionnistes, deux chercheurs insatisfaits, deux pinailleurs. C’est un superbe clin d’œil complice. Et puis, est-ce un hasard involontaire si dans Alcaline, il y a Aline ?...

Une seule chose m'a gêné, dérangé, sinon Intime m'aurait plu à 200%, c'est que le public reprenne en choeurs les refrains de certaines chansons. En spectacle, je trouve ça normal, mais sur ce disque si particulier, je n'adhère pas. C'est peut-être égoïste, mais j'aime Christophe tout seul. Je n''aime pas qu'on entre dans notre "intimité" d'artiste à auditeur...

Gilbert "Critikator" Jouin

Amandine Bourgeois "Au Masculin"

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Sortie le 5 mai 2014

Pour son troisième album, Amandine Bourgeois surgit là où ne l’attendait pas du tout. Sans doute motivée par l’insuccès de son deuxième CD qui est resté hélas « Sans amour » en dépit de sa grande ambition et de textes ciselés par l’immense Boris Bergman, la jeune femme a décidé de prendre moins de risques en n’enregistrant que des reprises. Mais pas n’importe quelles reprises puisqu’elle n’a retenu que des chansons créées par des hommes. D’où son titre : Au Masculin… Plutôt « couillu » le challenge ! Mais on peut affirmer en toute sincérité que, et sans perdre une once de sa féminité, son changement de sexe artistique est totalement réussi.

Sur les 16 titres que contient cet album, il n’y en a que 3 qui n’ont pas trouvé grâce à mes oreilles. Je les énumère tout de suite, comme ça on en sera débarrassés : La Ballade de Jim, Ma Gueule et Alors on danse. Ces trois-là ne m’ont pas du tout convaincu, particulièrement Ma Gueule où elle manque cruellement – ce n’est pas sa faute, c’est physique – de testostérone. Le décalage y est trop grand. Quant à Alors on danse, où elle est bien meilleure dans les couplets que dans les refrains, je pense que c’est l’arrangement qui ne convient pas.


En revanche, pour ce qui concerne les 13 chansons restantes, c’est du nanan ; un pur délice. Il faut d’abord saluer la qualité et l’originalité des arrangements signés Quentin Bachelet. C’était une sacrée gageure que de concocter de nouveaux climats à des chansons gravées dans notre disque dur musical, de les habiller de nouvelles couleurs parfois surprenantes mais toujours de bon aloi comme, par exemple, transposer Savoir aimer en reggae et lui immiscer en outre un passage rappé (ce qui, à mon goût, est regrettable car on est plus dans la performance gratuite au détriment du sens). Mais que c’est chouette en reggae !



La voix si joliment écorchée d’Amandine excelle dans ce florilège de tubes à fort caractère. Son duo avec Cali dans une version résolument rock de Il est cinq heures, Paris s’éveilleest une merveille. C’est du lourd… Le fait qu’elle soit Toulousaine d’adoption l’a tout naturellement influencée dans son choix. On retrouve en effet dans son « Types parade » une belle poignée de chanteurs estampillés « Sud-ouest » : Polnareff, Cabrel (Lot-et-Garonne), Nougaro, Art Mengo (Toulouse), Nino Ferrer (installé dans le Lot)… Un superbe hommage confraternel à ses glorieux aînés.
Dans Au Masculin, j’ai aimé la jolie interprétation toute en ruptures de Love me, please love me ; l’ambiance syncopée et tonique de Dansez sur moi ; le parti-pris bluesy de Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai, un registre dans lequel elle excelle et que l’on retrouve dans son interprétation habitée et terriblement convaincante de J’ veux pas que tu t’en ailles ; le climat judicieusement respecté onirique et brinqueballant de Madame rêve ; le délicat swing sud-américain de La rue Madureira ; l’interprétation pleine de sensibilité de Utile, en forme d’hymne et de profession de foi ; sur Parler d’amour, elle démontre qu’elle sait de quoi elle parle quand il s’agit d’y mettre les sentiments, un état d’esprit qui, en l’évoquant, lui met l’Eau à la bouche, chanson qui vient fort à-propos comme une suite de la précédente ; et, enfin, j’ai beaucoup apprécié la belle double énergie communicative qu’elle dégage en compagnie de sa complice « janisjoplinienne » Berverly J Scott…


Au vu, et surtout à l’écoute, de ce remarquable album, il ne nous reste plus désormais qu’à attendre sa projection et sa réalisation sur une scène. Ça promet un beau et bon spectacle.

Herbert Léonard "Demi-Tour"

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Herbert Léonard est de retour aux sources avec Demi-Tour, un album qu’il définit comme « un CD de rhythm’n’blues – du vrai, pas du R’n’B – la musique selon mon cœur ».
Il ne faut pas oublier qu’avant de connaître un formidable succès avec des chansons d’amour dans les années 80, Herbert a longtemps pratiqué le rock’n’roll et le rythm’n’blues au sein de différents groupes puis en solo. Ce Demi-Tour qu’il opère près d’un demi-siècle plus tard est donc chargé de symboles. C’est pour lui un véritable bain de jouvence dans lequel il se plonge avec délices, uniquement « pour le plaisir ».

Cette musique lui colle à la peau. Avec sa voix chaude et veloutée, son swing musclé, il est fait pour elle. Herbert est un enfant nourri à la soul de la Motown et de la Stax. Il aime les rythmes syncopés, les guitares fluides et saturées, et les cuivres qui balancent.


Le CD contient onze titres dont deux en anglais. Il s’ouvre et se termine avec Elle est divine, une très bonne adaptation de Keep On Running.
Personnellement, j’ai un faible pour son interprétation de Teppaz Rock, une petite merveille de slow rock joliment écrit et truffé de délicieux « wap wap » de choristes qu’on dirait venues des Sixties… De toute façon, Herbert est redoutable dans les chansons lentes, dans les slows épidermiques, comme You Are So Beautiful et Si j’avais le courage avec leurs solos pleins de sensualité.
Mais il est tout aussi à l’aise avec les titres qui pètent comme le trépidant Show Me, le très chaloupé Comme dans un rhythm’n’bluesoù il s’autorise un superbe dialogue avec les chœurs et une section de cuivres aux petits oignons, le vibrant hommage qu’il rend à Otis Redding dans Big O, la seule chanson inédite de cet opus, et le joyeusement tonique Une lettre (The Letter), qui tourne, tourne et avance tout le temps à un rythme effréné.


On partage véritablement un chouette moment en compagnie d’Herbert Léonard. Cette musique est intemporelle, vivifiante, elle exhale la joie de vivre, elle nous fait inévitablement bouger les jambes et nous donne aussi une irrésistible envie de revivre les langoureux slows de papa si générateurs d’idylles et responsables quelque part, il faut bien le reconnaître, du fameux baby boom…
Il y a des Demi-Tours qui font vraiment du bien !


AuDen "Sillon"

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Polydor/Universal

Au bout de deux écoutes attentives, j’ai été vraiment charmé par cet album qui nous creuse un Sillonpernicieux au cœur et à l’âme. AuDen nous livre un opus homogène, folkeux à ravir. Il nous prend en douceur. On écoute ses chansons comme on siroterait de l’hydromel en se laissant peu à peu envelopper par des vapeurs enivrantes.

Cet album, c’est un climat. Il nous incite à quitter un confortable salon cosy pour aller se balader sur la lande bretonne. Le ciel est gris-bleu, les genêts se courbent mollement sous la caresse d’une douce brise, la mer est à peine agitée, comme alanguie, attirante et mystérieuse…
La voix est douce, la musique est douce, les éléments ne sont pas hostiles, plutôt bienveillants. AuDen s’affirme comme un chantre de la mélancolie ? En tout cas, il y a longtemps que je n’avais pas lu des textes aussi empreints de poésie. Belle, très belle plume, le garçon !


La première chanson de l’album, Azur éther, est pour moi le titre-étalon. Il préfigure parfaitement l’ambiance générale, il donne le ton et, tout de suite, entêtant, lancinant, il nous intrigue. AuDen a l’obsession du temps ; du temps qu’il fait, du temps qui passe. Le mot revient souvent dans ses textes. On ne peut pas dire qu’il soit très jovial. Il apparaît un tantinet désabusé (Les printemps), il est encombré de questionnements quasi métaphysiques, du genre « qui sommes-nous ? », « Où allons-nous ? » (Ici ou là, Etourdi)…


Est-il viscéralement discret, voire secret ? Est-il véritablement modeste ? On peut le croire. On ressent comme une crainte d’être percé, d’être mis à jour. Il est l’anti-narcisse même. Dans Le bout de tout, il s’auto-flagelle carrément : « Je ne suis rien du tout » et a-t-il vraiment réalisé que dans « terminus », il y a « minus »… Je ne pense pas qu’il aille jusque là. Quoi que… Dans la chanson suivante, Douces vapeurs, il en remet une couche, cherchant à s’oublier et à se faire oublier… Il est tout le contraire d’un fier-à-bras, d’un matamore. Ce qui doit diablement plaire aux jeunes filles. D’autant que dans Tes détresses, il se montre particulièrement attentif et secourable devant le mal-être d’une jeune femme. A la limite de l’aveu d’impuissance, il est touchant dans sa tentative de percer le mystère féminin… Il y a là de quoi lui donner de la matière pour les albums à venir !

J’ai bien aimé suivre le Sillond’Auden. Il a le soc élégant, respectueux. Il y sème délicatement des petites graines qui éclosent en chansons diaphanes, éthérées aux tons pastel. Ça nous change du désordre ambiant. Un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça ne fait pas de mal.

Voici, dans l’ordre préférentiel, mon petit hit-parade :
-          1/ Aller sans retour
-          2/ Azur éther
-          3/ Le bout de tout
-          4/ Pour mieux s’unir

-          5/ Ici ou là

Tierra de Amor

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Bobino
12-20, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 08 2000 9000
Métro : Edgar Quinet / Gaîté

Spectacle de danses latines mis en scène par Isis Figaro
Assistée de Julio Garrido
Scénographie de Fanny Leborgne
Costumes du Studio Acapulco Paradiso et Antoine Saffray
Lumières de Samuel Aubron

L’histoire : Nina décide de confier son jeune fils à sa mère aux Antilles afin de tenter de trouver un ailleurs qui leur offrirait un avenir plus radieux. Dans le même temps, Carlos, un riche homme d’affaires argentin, quitte son pays pour changer de vie et se réaliser pleinement. Les deux personnages débarquent alors à Tierra de Amor, un pays rêvé où la population accueille à bras ouverts des hommes et des femmes venus d’horizons différents : Brésil, Cuba, Saint-Domingue, Afrique… Passionnés de danse, Nina et Carlos deviennent amis et partagent les moments festifs sur la place centrale de la ville où les exilés se réunissent et s’expriment à travers d’incandescentes et sensuelles chorégraphies.
Mais un jour, Nina reçoit de mauvaises nouvelles à propos de son fils…

Mon avis : Tierra de Amor est un spectacle de danse comme il en fleurit régulièrement sur les scènes, c'est-à-dire impeccable au niveau des chorégraphies, ce qui est un minimum. Donc, sur ce simple aspect il y a vraiment de quoi être comblé. D’autant que, grâce à un scénario établi en amont, les danses ne sont pas qu’antillaises ou caribéennes, mais elles s’étendent également à Cuba, à l’Argentine (ce qui permet un spectaculaire numéro de bolas), à l’Afrique. Du coup, l’éventail étant ainsi élargi, on adroit à toute une variété de couleurs et d’expressions corporelles. On passe, sans que cela choque (au
contraire) de la salsa au tango, du boléro au merengue, du cha-cha-cha eu reggaeton de la samba au gwo ka…


Car la force de ce spectacle, c’est qu’il nous raconte une histoire ; une histoire avec des personnages qui ont un destin à accomplir et auxquels on s’attache. Si bien que les danses, illustrant des situations, viennent également exprimer des sentiments… L’action se déroule dans une ville imaginaire, idéalisée, où se retrouvent des déracinés qui apprennent à se connaître, à s’estimer, à s’aimer. Avec son métissage humain et culturel, ce melting pot est chargé d’une véritable symbolique et diffuse un message de fraternité, de tolérance, et d’amour. C’est d’abord un hymne à la vie.


Isis Figaro, qui a conçu ce spectacle, qui en est l'âme, est visiblement habitée et missionnée par ce qu’elle a envie de faire passer à travers la danse. Et toute la troupe qu’elle a fédérée est toute entière à son image. Trois mots définissent ce show : générosité, émotion et, surtout, joie de vivre. Superbes physiques, beaux sourires, nombreux costumes tour à tout élégants, festifs ou chatoyants (en fonction de l’histoire), chacun donne le meilleur de lui-même. L’esprit de troupe est évident, il passe la rampe pour nous faire vivre un grand moment de partage. Ici, l’esthétique s’ajoute à la performance. C’est tellement huilé et maîtrisé que ça paraît facile, simple, alors qu’on imagine les heures de travail et de répétitions qu’il a fallu pour atteindre un tel degré d’excellence.


Tierra de Amor est un spectacle complet, dépaysant, coloré, dont on sort tonifié, heureux et avec au corps une irrépressible envie de danser…

Hangar "Ivre Mer"

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Roy Music/Polydor/Universal Music

Pour Ivre Mer, le deuxième album de Hangar, je suis absolument sans réserve. Onze titres, onze perles. De ces perles que l’on rêve de trouver dans les huitres du Cap-Ferret, fraîches et goûtues à souhait. Honnêtement, chacun des titres est un vrai bonheur. Je me suis régalé du début à la fin.
Les six (Han)garnements forment un fameux groupe qui possède une vraie identité, une empreinte originale. Ils ont une qualité fondamentale, la simplicité. Plus c’est simple, plus c’est efficace. Leur musique, sans fioritures, sans effets superflus, est d’une redoutable efficacité. Ils vont à l’essentiel, créant pour chaque morceau son ambiance propre.


Ecoute, le premier titre de l’album, en est le reflet parfait. Ils mêlent leur besoin vital et impérieux de musique aux sentiments. Le rythme, entêtant, obsédant, envoûtant, monte en puissance pour se terminer quasiment en incantations « vaudouesques ». Le résultat est imparable. Ce titre va trouver toute sa dimension sur scène.
Le suivant, Où errons-nous, est peut-être ma chanson préférée. J’ai aimé son texte énigmatique, riche en jolies sonorités, j’ai apprécié l’enchevêtrement des voix avec les guitares, trouvé jolies cette image de filles dansant devant les phares…
Tattoo est une superbe déclaration d’amour, forte, pas mièvre du tout, truffée de témoignages d’affection on ne peu plus concrets. Ce sont des paroles adultes qui vont aller droit au cœur des demoiselles… Quant à Descends,elle est le développement de la précédente. Les choses ont été dites dans Tattoo, Descends correspond au passage à l’acte. C’est délicieusement coquin, explicite. Il y a un côté gainsbourien avec soupirs et petites rires à la clé. C’est vraiment, vraiment bien. Superbe ambiance qui se termine en une ponctuation sexophonique.

La miss du sud, c’est carrément une incursion vers la musique country. C’est plein de douceur et – ils en sont capables – de délicatesse. C’est tout en touches pastel et en notes sucrées et cuivrées. En fermant les yeux, nous sommes transportés dans le bayou girondin…
La musique et la voix de Mister Power m’ont ramené presque 50 en arrière. Dans les couplets, a surgi l’image de Jacques Dutronc interprétant Et moi, et moi, et moi. Je ne suis sorti de ma nostalgie qu’à la fin du morceau, réveillé par la fureur des guitares.


De son côté, la rumeurse singularise par son ambiance un tantinet celtique. On y reconnaît l’empreinte de la cornemuse de l’excellent Carlos Nunes. Août est un titre plus dépouillé, débutant par une guitare-voix puis montant joliment sans jamais forcer comme si la chaleur du mois assoupissait les musiciens. La voix, très devant, ajoute au charme indiscutable de cette chanson teintée de mélancolie.
Ivre mer est ma deuxième chanson préférée. C’est gonflé car interprété intégralement en voix de tête. Avec ses rimes en « air », cela crée un climat onirique, aérien, du meilleur effet. C’est un titre à part, original, qui ne fait qu’amplifier la grande envergure de leur éventail musical… On retrouve d’ailleurs l’utilisation des voix de tête sur le refrain de A l’ombre. Un emprunt (très réussi) aux Beatles ?
Enfin, après Gainsbourg, Dutronc, les Beatles, le clin d’œil à l’Amsterdam de Jacques Brel est-il volontaire avec la phrase « Le long des verges mortes » dans Soleil profond ? Je le pense car il est subtilement amené et formulé. Cette chanson, fort bien écrite, termine l’album en beauté…


Hangar passe le cap du second album sans coup férir. Si les petites d’Arcachon ne les mangent pas, ce sextette débordant de talent et de créativité est appelé à une belle et longue carrière. Assurément, avec Hangar est loin d’être sur la voie de garage. Fermez le ban… d’Arguin.

Femmes Libérées

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Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Saint-Lazare / Villiers

Une pièce de Noémie de Lattre coécrite avec Nicolas Lumbreras, Rudy Milstein, Johann Dionnet, Jean Gardeil, Sarah Suco
Mise en scène par Pierre Palmade
Avec Noémie de Lattre, Nicolas Lumbreras, Rudy Milstein, Johann Dionnet, Jean Gardeil, Sarah Suco et, en alternance, Gwendoline Hamon, Joffrey Platel, Constance Carrelet, Marie Lanchas, Yann Papin, Benoît Moret, Cédric Moreau, Camille Cottin

L’histoire : On peut aimer un homme, coucher avec un autre et faire un enfant avec un troisième !... C’est en cherchant à éprouver cette théorie que Noémie rencontrera des hommes, des femmes, des homos, des hétéros, des bisexuels, des transsexuels, des mères de famille, des infidèles… et peut-être celui qui fera voler cette théorie en éclats.

Mon avis : La Troupe à Palmade a encore frappé ! Et fort. Après avoir exploré les mondes de l’Entreprise, de la police, de la politique, elle aborde cette fois l’univers féminin avec Femmes Libérées. Le concept de cette nouvelle pièce a été élaboré par Noémie de Lattre puis, comme c’est la règle dans l’Atelier, cinq coauteurs sont venus se greffer pour aboutir à une écriture collégiale. Le fait d’écrire ainsi à douze mains est très bénéfique. Le scénario et les dialogues n’en sont que plus aboutis, plus riches. De toute façon, pour que Pierre Palmade donne son aval à une production, il faut que tout soit parfaitement ciselé. Cette exigence fait que chacune des prestations de la Troupe débouche sur un grand moment de drôlerie et de comédie pure.


On comprend très vite que Femmes Libérées a été en grande partie directement inspiré par la propre vie sentimentale de Noémie de Lattre. Quasiment omniprésente sur scène, elle est le fil rouge de la pièce. A travers une succession de tableaux qui sont autant de jalons à sa quête éperdue d’amour, nous allons être les témoins réjouis de son « Odysexe »… Noémie se veut libérée. Elle se laisse guider par sa libido, se laisse draguer ou prend carrément les initiatives. Nous sommes en 2014, et il y a belle lurette que la Carte du Tendre a subi l’érosion du temps. Bien heureusement ! Biche aux abois ou Diane chasseresse, Noémie n’en a pas la tâche plus facile pour autant. Dans son périple amoureux, elle va faire quelques rencontres. Quatre garçons et une fille, cinq personnalités complètement différentes parmi lesquelles se trouve sûrement le bon parti (ou la bonne). On ne sait qu’une chose au départ c’est que, d’après une prédiction, l’heureux(se) élu(e) aura un grand nez !

On rit du début à la fin. Tout en étant très féminine, Noémie s’autorise fréquemment des comportements typiquement masculins dont le plus répandu, la mauvaise foi. Au fur et à mesure de ses rencontres, elle va se révéler de moins en moins fragile et de plus en plus dirigiste. Ce qui donne lieu à des situations inversées particulièrement cocasses.
La force de Femmes Libérées, ce sont évidemment ses dialogues, vifs et percutants, ses retournements et le jeu millimétré de tous les comédiens. Devant faire face à de multiples situations et à des interlocuteurs parfois imprévisibles, Noémie de Lattre est amenée à jouer une impressionnante palette de sentiments. Faisant preuve d’une grande finesse de jeu, elle est absolument parfaite.


Mais, au-delà de son aspect purement comique – et là on est servi – la pièce a aussi cette force de faire passer un message de tolérance qui donne à réfléchir. Les personnages de Rudy et de la seconde jeune femme, en apportant une note d’émotion, sont en cela prépondérant. Ils nous touchent tout en nous faisant rire. On sent derrière tout cela la patte et la sensibilité de Pierre Palmade ainsi que le produit d’un vécu partagé avec Noémie de Lattre.
Finalement, il n’y a pas que les femmes qui soient libérées dans cette pièce. Les personnes de toutes les orientations sexuelles y trouvent une tribune réellement positive. C’est ça, le rire intelligent.

Gilbert « Critikator » Jouin


Kyo "L'Equilibre"

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Sony Music/Jive Epic

Cette année marque les 20 ans de la formation du groupe Kyo… Après un départ fulgurant et trois albums en quatre ans qui leur ouvrent Le Chemin du succès, il aura fallu attendre dix ans pour découvrir leur quatrième opus, L’Equilibre.
Le titre n’est pas si innocent que cela. En effet, en 2005, les « Oisillons » du collège Notre-Dame de Verneuil-sur-Seine, encore assez fragiles, ont eu du mal à faire face à un lot de critiques qui leur a laissé au cœur 300 Lésions qui semblent avoir été assez longues à cicatriser. Brûler ce qu’on a adoré, éreinter des jeunes de 20 ans parce qu’ils deviennent culte, ironiser sur leur public de minettes énamourées, c’est hélas typiquement français. La déconvenue et l’incompréhension succédaient brutalement à l’adulation dont ils avaient fait l’objet. Pas facile à vivre et à accepter. Si bien que le quatuor a frôlé le clash.

Désireux de ne plus trop s’exposer, ils ont choisi de se mettre en retrait et d’écrire pour d’autres artistes. Et puis le temps a fait son œuvre. Réparatrice. Les liens du chant étaient les plus forts, ajoutés à l’envie de revenir au Contact avec un public qui ne les a pas oubliés et Benoît, Fabien, Florian et Nicolas ont repris le chemin du studio pour enregistrer 12 nouveaux titres. Evidemment, on n’écrit pas à 30 ans comme à 20. Entre temps, la vie s’est chargée de les nourrir. Il est en outre patent que L’Equilibre est teinté du désir de construire une passerelle avec un glorieux passé et, surtout, d’essayer de l’analyser et de le commenter. Il y avait déjà un terreau ; la période de jachères terminée, l’heure était venue de présenter la nouvelle récolte.

Poupées russes, le premier titre de l’album résume parfaitement cette parenthèse et en dresse le bilan. Le texte est dense, bourré d’images, Benoît Poher y accumule en un flot (flow ?) ininterrompu de mots les métaphores alternant les aspects positifs et négatifs de leur parcours : « Dans la vie, il y a les flaques et les éclaboussures », « Dans la musique, il y a des farces et les graines du futur », « Il y a les pièges, les arnaques, quelques âmes encore pures », « Il y a le temps des grands soirs et le temps des blessures »… et, surtout, référence directe à la cabale : « 300 Lésions et les rideaux se ferment »… La pointe d’amertume va encore plus loin dès lors qu’il s’agit des sentiments les plus nobles : « Même l’amour est schizophrène ». Il y a désormais une carapace. Finies candeur et naïveté juvéniles. Mais, aujourd’hui, tout est raccord : « J’ai l’impression d’être là où il faut être ». Fort de cette sensation, en paix avec lui-même, il n’y a plus qu’à revenir aux fondamentaux et montrer ce que Kyo ressent en 2014.


J’ai écouté plusieurs fois L’Equilibre et j’avoue qu’aucune chanson ne m’a déplu, au contraire. C’est un album qui tient La Route de bout en bout. C’est vraiment du beau travail. Et Benoît est un fameux auteur.
Dans Le Graal, clin d’œil appuyé à Indiana Jones, son écriture est moderne, générationnelle. Sur une mélodie aussi efficace qu’entêtante, il fait part de ses doutes et de ses certitudes, de ce qu’il construit et des « rechutes ».

L’Equilibre est ma chanson préférée. Le refrain, délicieusement aérien, est tout en voix de tête. L’écriture est très descriptive. Elle évoque le quotidien et l’usure du couple. Ici, comme dans le livre de Beigbeder, l’amour dure trois ans ou plutôt, pour être précis « mille nuits »… Et pour bien faire le tour du sujet, Enfant du solstice est comme la suite du titre précédent. C’est l’après rupture. Lancinante, pas évidente à chanter, elle exige un sacré travail au niveau de la diction. D’autant que les mots, explicites et suggestifs, sont là encore très importants.


Dans cet album, l’amour tient une place prépondérante. On ne le vit pas à 30 ans comme à 20 ans. Nuits blanches, par exemple, avec un total abandon qui frise la soumission assumée, va énormément plaire à la gent féminine… Une fois encore, telle une chanson-gigogne, celle qui suit vient développer le thème précédent. La magnifique XY traite de la fragilité de l’amour. A priori, en amour, il n’y a pas de vainqueur. Mais, tout de même, il apparaît en filigrane que l’homme serait quand même le plus perdant parce que plus dépendant.

Récidiviste se veut plus réaliste. Chanson de groupe très mélodieuse, elle interpelle : « Tant que je saigne, j’existe ». Le message est direct : il faut apprendre à sublimer la douleur et à affronter le sort même quand il est contraire et s’acharne… D’ailleurs, dans On se tourne autour, avec ses paroles adultes, sans ambiguïté, l’amour n’est pas qu’une affaire de sentiments. Il y a le sexe aussi, et la jalousie, et la souffrance…
Benoît confirme ses qualités d’auteur dans le très imagé White Trash, au texte truffé de références cinématographiques.

Enfin, L’Equilibreest rétabli à la fin de l’album avec l’interprétation toute en douceur de Florian sur La Route. La voix, juste accompagnée d’une guitare est empreinte d’une jolie mélancolie, un climat qui sied parfaitement à ce touchant message adressé à l’au-delà.

Sophie-Tith "J'aime ça"

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Polydor / Universal Music

Je l’attendais de pied ferme, Sophie-Tith. J’avais bien sûr apprécié son album de reprises. Vu la qualité de ses prestations lors de La Nouvelle Star, je savais quelle remarquable interprète elle était. Premières rencontresétait un amuse-gueule, un truc bien fait destiné à nous faire patienter dans la perspective du premier vrai opus


Sophie-Tith n’est pas encore majeure (elle aura 18 ans en septembre), son album non plus. Jusque là, elle avançait masquée. Elle se planquait derrière des reprises qu’elle s’appropriait de façon magistrale. Aujourd’hui, elle est bien forcée de se dévoiler, de révéler ce qu’elle a au fond de son tout jeune cœur. Tous les textes qu’elle a retenus proposent des paroles plutôt adultes. Même si elle n’a apporté sa patte qu’à un seul texte (J’envie / J’en veux), je pense qu’elle est en droit de revendiquer tout ce qu’elle chante. Sinon, je n’en vois pas l’intérêt.

Sophie-Tith m’avait vraiment impressionné lors de La Nouvelle Star. Alors, forcément, mon attente était proportionnelle à mon enthousiasme. Elle avait mis la barre très haut, la demoiselle ! Que dire donc de J’aime ça, ce premier album personnel ?
Pareil pour moi. J’aime ça, mais sans plus… Bon, sur les douze titres qui composent cet album, j’en ai « aimé » huit. Les deux tiers. C’est une bonne proportion. Pourtant, je n’ai pas grimpé aux rideaux comme je l’espérais.

Photo : JM Lubrano

Voici mon hit-parade personnel :
-          1/ Jalouse
-          2/ Hit You With The Truth
-          3/ J’envie / J’en veux
-          4/ Ces choses-là
-          5/ J’ai sorti les armes
-          6/ Weakfortress
-          7/ J’aime ça
-          8/ Enfant d’ailleurs

Mat Bastard, le leader de Skip The Use, a écrit sept chansons. C’est un bon auteur qui ne fait pas dans la mièvrerie. Ses pôles d’intérêt touchent à l’universel et à la place de l’individu dans le vaste monde. Il frise parfois la métaphysique (Enfant d’ailleurs). Mais il a un grand défaut qui m’a horripilé et fait légèrement saigner les oreilles : c’est un stakhanoviste de l’élision ! Son record de voyelles bouffées se trouve, je crois, dans J’ai sorti les armes. J’ai failli « sortir d’ mes gonds » comme il est dit dans le superbe duo Ces choses-là. C’est dommage, ça gâche un peu la portée de textes vraiment intelligents.

Si le tonique et entêtant Jalouse et le très anglo-saxon Hit You With The Truth sont redoutablement efficaces, j’avoue néanmoins un faible pour J’envie / J’en veux. C’est pour moi une chanson à part. D’abord parce que Sophie-Tith l’a coécrite. Et ensuite, j’ai été très sensible à son climat carrément « mylènefarmerien », tant dans la façon de chanter que dans son climat musical. J’ai aimé ce parti pris de dire des choses assez violentes, de se montrer menaçante sans jamais élever la voix. L’impact n’en est que plus efficace. Pas besoin de chercher à lire entre les lignes, on voit que le texte est très personnel, intime même. Et si on veut en savoir un peu plus sur la jeune fille, il suffit de se reporter à J’aime ça, et on en apprend beaucoup sur sa personnalité profonde.
J’ai aimé cette sincérité, ce courage, cette manière de défier le monde, de bousculer les a priori, de piétiner les idées reçues.

Le masque est tombé. On a l’impression que Sophie-Tith est devenue papillon sans être jamais chrysalide. Elle a pris son envol. Je suis certain qu’elle peut nous emmener encore plus haut. L’avenir lui appartient.

En Mai, c'est FERRIER, ah la Gaîté !

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Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Spectacle écrit et mis en scène par Julie Ferrier
Avec Julie Ferrier, Anne Buffet, Brieuc Carpentier, Katia Charmeaux, Bénédicte Guichardon, Véronic Joly

Présentation : Julie Ferrier revient au théâtre de la Gaîté Montparnasse entourée de complices de toujours, tous plus fous les uns que les autres… Vous y retrouverez entre autres Martha et Melle Klimt, issues de son seule-en-scène, accompagnée de nouveaux personnages dans une succession de numéros, sketches et performances.
La maîtrise de la connerie, l’interactivité et la jubilation seront le cœur et les poumons de ce cabaret unique.

Mon avis : Julie Ferrier, Julie fait rire, y compris les jours ouvrables ! Entourée de quatre femmes et d’un homme (et quel homme !), elle a créé un véritable esprit de troupe avec des comédiens aussi barrés qu’elle. Et ce n’est pas peu dire.
Avec les « Ferriéristes », le spectacle commence dans la rue, se prolonge dans la salle avant de se projeter sur scène pour deux heures de délire(s). Artiste protéiforme, Julie Ferrier, n’aime rien tant que de créer des personnages très différents mais toujours très hauts en couleurs. C’est d’ailleurs avec une petite veste jaune qu’elle apparaît d’abord pour camper une jeune femme qui cherche à être spontanée mais qui est freinée par une gaucherie hésitante et chronique qui fait furieusement penser à la gestuelle de Jacques Tati. C’est un personnage sympathique et attachant qui ose parfois l’audace des timides. Des fulgurances qu’elle regrette aussitôt, qui la gênent, ce qui, bien sûr, provoque le rire. Cette Julie-là possède une sorte d’aller ego tout aussi caricaturale en la personne de Bernadette. Autant Julie est introvertie, autant Bernadette est cash. Un tempérament auquel elle donnera libre cours tout au long du spectacle avec des compositions absolument désopilantes dont, en particulier, l’art de se faire une gâterie après moult préliminaires et un numéro en ombres chinoises aussi gonflé que cocasse.


En mai, c’est Ferrierest un spectacle inclassable qu’on ne peut pas narrer par le menu. C’est une succession de tableaux et de saynètes, une auberge espagnole où chacun apporte son talent avec pour seule mission, nous surprendre, nous enchanter, nous émouvoir et, évidemment, nous faire rire. Surtout nous faire rire.
Très riche, très dense, très varié car on touche à différents genres, très coloré (il y a des accoutrements qu’il faut oser porter), très visuel, on sent que les comédiens prennent un plaisir fou à le partager avec nous. C’est en fait un drôle (au sens propre) de cocktail. On pense parfois aux Branquignols, aux Deschiens, à l’univers d’Edouard Baer, et à Tati donc (Bernadette est une sorte de Monsieur Hulot en jupons)… Julie Ferrier se délecte à revêtir à deux reprises la robe incontrôlable de Martha pour se livrer à deux prestations complètement déjantées avec gestuelle saccadée, débit bouillonnant et discours farfelu, nous démontrant une fois encore qu’elle n’a pas le téton près du bonnet…

Cette troupe picaresque nous fait vivre vraiment de grands moments. Certains même plus grands que d’autres. J’ai ainsi particulièrement apprécié la séquence de break dance (du très, très haut niveau), les personnages de Karbie et Ben, la mamie au ukulélé… Mais j’ai quasiment tout aimé. Ça a l’air disparate, de partir parfois un peu dans tous les sens alors que, au final, tout se tient. Et puis il y a une réelle poésie dans tout cela. Une poésie de l’absurde jouée avec beaucoup d’authenticité, de sincérité et de générosité.
« En mai, fais ce qu’il te plaît »… C’est le parti pris de Julie et de ses complices. Et, ce qui est parfait, c’est que ça nous plaît aussi !

Gilbert « Critikator » Jouin



Kerredine Soltani "Bandit chic"

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Warner Music France

J’avais déjà bien aimé Fils de Bohême, le premier CD de Kerredine Soltani. De toute façon, un garçon qui a écrit Je veux et On ira pour Zaz mérite respect et attention.
Avec Bandit Chic, son deuxième album, j’ai surtout eu la confirmation d’un excellent auteur. Kerredoine Soltani, c’est une évidence, aime les mots. Et il n’aime rien tant que de les mêler avec les sons (c’est un orfèvre de l’allitération). Ce n’est pas un fainéant du stylo. Du stylo stylé, dirais-je même. Il y a du texte dans cet album, il ne pleure pas l’encre… Avec une telle écriture, très imagée, avec un tel soin apporté au choix des mots, il pourrait écrire des scénarios, une comédie musicale et des dialogues de films. Certaines de ses chansons sont d’ailleurs de véritables courts métrages, d’autres s’apparentent à des portraits (Hollywood Boy, Elle est perdue, Le Mytho). Et puis, comme il a des sujets qui l’inspirent plus particulièrement, comme les relations homme-femme, il a le sens de la chanson-gigogne. On a ainsi l’impression que Le Tour du monde est la suite de Sex Symbol, que Elle ne me voit pas vient compléter Le Tour du monde et que L’amour criminel vient conclure Elle ne me voit pas
C’est très habile et ça instaure une réelle homogénéité à son travail.


Le premier titre, Dandy chic est une sorte d’exposition. Il s’y livre à une étude comparative des comportements des filles et des garçons. C’est bien observé, c’est amusant, il n’y a pas une once de misogynie. Et il est impossible de ne pas hocher la tête en cadence sur le refrain…
Hollywood Boy est un brillant exercice, un hommage aux cinéma américain avec la mise en exergue des films qui l’ont fait rêver et l’énumération d’une poignée d’acteurs mythiques, particulièrement les italo-américains.
Pleure pas est peut-être également une chanson autobiographique. Avec humour, distance et douceur, il s’adresse à toutes les filles qu’il a déçues. Il se reproche son incapacité à résister à la tentation, mais toujours en dandy-bandit, en dandy avec flirt à la boutonnière et en bandit pas manchot du tout dans la séduction.
Personne ne saitest une chanson un peu à part, la seule qui contienne un message universel : l’avenir étant trop incertain, il faut vivre l’instant présent et en profiter. La partie féminine y est remarquablement écrite.


Hormis quand il se réfugie dans la fantasme comme dans Hollywood Boy, ou quand il se la joue bourreau des cœurs comme dans Pleure pas, Kerredine Soltani campe plutôt un personnage de gentil loser, de ver de terre amoureux d’une étoile (Sex Symbol, Elle ne me voit pas), de garçon prêt à toutes les folies et à toutes les concessions pour conquérir l’élue de son cœur (Le Tour du monde, L’Amour criminel). Sa voix douce et légère, aérienne, se prête parfaitement à ce climat somme toute assez romantique.

Kerredine Soltani est un conteur. Et il est très agréable de l’écouter nous raconter ses histoires…


Courts-Circuits

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Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tel : 01 48 07 52 07
Métro : Richard Lenoir

D’après des scènes courtes de Jean-Michel Ribes et Roland Topor
Textes montés par Stéphane Pouplard avec la complicité d’Ivana Coppola
Mise en scène d’Ivana Coppola
Lumières de Nidry Lérigé
Costumes de Marc Clément
Avec Laurence Bréheret (Femme 1), Cathy Cerda (Femme 4), Simon Charasson (Homme 2), Ivana Coppola (Femme 2 et journaliste), Ana Piévic (Femme 3), Stéphane Pouplard (Homme 1)

Présentation : Une perruque Louis XV se débat avec un sèche-linge, pendant que ce pauvre Guy se balance les pieds dans le vide, entre un « Ta gueule, eh con ! » et des « bravo, bravo », tandis qu’une lettre d’amour se glisse dans un carnet de « Voyages-Aventures », parce qu’on n’est pas des sauvages quand même !!!
Bienvenue dans l’univers décalé de Jean-Michel Ribes et Roland Topor où des personnages hauts en couleurs se « court-circuitent »…
Petites tragédies absurdes, égarements et folies douces dans la grande Comédie de la vie !

Mon avis : J’ai ouvert mon Petit Larousse pour y chercher la définition de court-circuit et j’y ai lu : « Connexion par une très faible résistance ou impédance de deux ou de plusieurs points d’un circuit qui se trouvent normalement à des tensions différentes ; accident qui en résulte (interruption de courant, incendie, etc. »)
Bien que n’étant pas très branché en la matière, quelques mots puisés dans cette définition m’ont éclairé pour analyser le spectacle concocté par Stéphane Pouplard et Ivana Coppola d’après des textes signés de l’ineffable duo Ribes et Topor… Les mots-clés sont « connexion », « très faible résistance », « impédance », « tensions différentes » et, surtout, « accident ». Et encore, certains de ces mots sont ici plutôt de contre définitions.

« Connexion ». Le terme est on ne peut plus approprié puisque chaque sketch ou saynète est dans la plupart des cas générateur de dialogue. Presque toujours conflictuel, sinon contradictoire.
« Très faible résistance ». Là, ce n’est pas vraiment le cas car dans deux situations particulièrement, un dénommé Guy fait preuve d’une sacrée résistance face à l’inéluctable avant de lâcher prise, et l’homme qui refuse d’aller féliciter son actrice de belle-sœur fait preuve lui aussi d’une belle pugnacité face à l’avalanche d’arguments dont l’abreuve son épouse.
« Impédance ». Ce mot qui signifie en anglais « faire obstacle à » et qui concerne le courant alternatif dans le domaine de l’électricité prend ici toute sa place. Des « obstacles », les personnages de Courts-Circuits s’en inventent ou en rencontrent, et pas qu’un peu ! Ce qui est tout à fait le cas également pour « tensions différentes » et pour « accident »…

Ce qui n’est pas un « accident », en revanche, c’est la qualité de ce spectacle, tant au niveau de l’écriture des dialogues, de la mise en scène et du jeu des acteurs.
Il n’y a que le sketch inaugural qui ne m’ait guère plu. Certes, il nécessite une expression chorale qui nous permet de faire connaissance immédiatement avec les six comédiens. Six personnages qui, eux, ne sont pas vraiment en quête d’auteur(s), les petits veinards. Car la dialectique et l’imaginaire de Jean-Michel Ribes et Roland Topor sont d’une inventivité et d’une originalité absolument jubilatoires. Dans leur domaine de prédilection, ce sont des « absurdoués ». Ils ont l’art de créer des situations incongrues traduites par des dialogues surréalistes.


Donc, passé le tableau liminaire et sa litanie de jeux burlesques que j’ai trouvée sans saveur, mon désarroi s’est évaporé vitesse grand « V » avec la suite. En effet, jusqu’à la fin, le divertissement s’est tenu à un très, très haut niveau. Personnellement, je connaissais deux sketches parmi la douzaine qui nous est proposée. Celui qui est baptisé « Bravo » et celui de l’homme à la perruque Louis XV. Ils sont tellement bien interprétés que ça été pour moi une exquise redécouverte. Il faut à ce propos saluer la prestation des six comédiens. Il faut beaucoup de finesse pour jouer avec sérieux et conviction des situations et des entretiens aussi insolites ; sinon ça ne passerait pas du tout. Ils sont tous vraiment épatants.

Ensuite, il y a cette idée géniale de la part de la metteure en scène de s’amuser à entrecroiser deux histoires. Ça crée une espèce de feuilleton, un véritable suspense.
Outre le parti pris de loufoquerie de chaque tableau, j’ai particulièrement apprécié ceux qui étaient marqué du sceau de l’humour noir, du cynisme. Bref, j’ai passé (et je n’étais le seul) un excellent moment à la Comédie Bastille. Total respect à messieurs Ribes et Topor. Ils font grand honneur à la langue et à la scène françaises.

Gilbert "Critikator" Jouin


Isabelle Boulay "Merci Serge Reggiani"

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Chic Musique / Universal / Polydor


Je tiens depuis belle lurette Isabelle Boulay pour une de nos toutes meilleures chanteuses, sinon la meilleure. Sa voix, modulable et musicale à souhait, est d’une incomparable qualité. En outre, non contente d’être une formidable artiste, Isabelle est une belle âme, une belle personne. Elle est généreuse, altruiste, sincère, drôle, modeste. Revendiquant son statut d’interprète, elle n’aime rien tant que de se glisser dans les univers des grand(e)s de la chanson, d’hier comme d’aujourd’hui. Elle fait merveille dans les reprises et dans les duos. Sans doute, à mon avis, par trop d’humilité, par trop d’admiration. Mais, en même temps, elle se fait vraiment plaisir. Mon album de chevet, celui où, pour moi, elle touche au sublime, date de 2000 ; il s’appelle Scènes d’amour. 17 chansons dont 13 duos franco-québécois absolument superbes.

L’Absence de Serge Reggiani, qui nous a quittés en juillet 2004, lui est toujours aussi douloureuse. Elle avait rencontré un an plus tôt celui qu’elle l’admirait depuis ses 16 ans. Peut-être parce qu’il avait L’air d’une chanson… Elle avait connu le bonheur de chanter avec lui sur la scène du Palais des Congrès. Ils n’auront pas eu le temps de former un Vieux couple. Le destin en a décidé autrement… Ces dix ans de Solitude, elle les a comblés en rêvant De quelles Amériques ? 
L’amour qu’elle portait à L’Italien, n’était pas à classer parmi Les amours sans importance. Il aurait pourtant suffi de presque rien, d’un peu de temps seulement, pour qu’un profond sentiment filial les unisse. Il l’aurait invitée à un Déjeuner de soleil, il lui aurait payé un verre. La considérant comme sa Fille, il lui aurait inévitablement raconté Les mensonges d’un père à son fils, à son Petit garçon. Raconter des histoires et les peindre, c’était sa Libertéà lui, sa façon d’esquiver les saloperies que le destin avait sournoisement semées sur son parcours.


Le 19 mai dernier, est sorti Merci Serge Reggiani, un album hommage à un chanteur qui, comme Piaf, lui a « donné le goût du métier d’interprète ». Elle était en train de préparer un album de chansons originales quand, soudain le besoin de remercier Serge Reggiani s’est fait irrépressible, plus impérieux que tout le reste. Elle est comme ça, Isabelle, elle sait remercier. C’est dans son éducation, dans ses gènes. C’est avec tout son cœur qu’elle se met au service d’un répertoire de très haut niveau. Avec des textes forts, sensibles, émouvants, parfois souriants, comme L’Italien… On la sent comme missionnée par cet hommage. D’ailleurs, quand elle évoque ce qui l’a poussée à l’enregistrer, elle utilise le terme de « devoir »…
Isabelle ne pouvait qu’être en amour pour un homme et un artiste comme celui-là. Un écorché vif au cœur saignant mais au sourire irrésistible. Fataliste sûrement.
La pochette est d’une sobriété volontaire. Toute blanche, ornée du dessin d’une rose que Serge lui avait dessinée et signée. En signe de déférence, le nom d’Isabelle Boulay, apparaît en tout petit au-dessus de « Merci Serge Reggiani ». C’est tout Isabelle, ça. S’effacer devant ceux qu’elle admire et affectionne.


Ces dix ans passés étaient nécessaires pour s’autoriser ces reprises. Isabelle a aujourd’hui accumulé le vécu nécessaire à l’appropriation de chansons aussi profondes,  aussi adultes. La légitimité, elle l’avait (elles sont rarissimes les chanteuses qui se situent à un tel niveau d’excellence), mais il fallait aussi une certaine maturité pour « embrasser un répertoire si viril ». Le résultat est superbe. La discrétion des arrangements permet de mettre très en avant les subtilités vocales de la chanteuse… Bien sûr, il est impossible d’attendre de la part d’Isabelle la même intensité que mettait Serge dans ses interprétations. Ses qualités de comédien, son phrasé et sa couleur vocale apportaient à ses prestations une dimension unique. Serge vivait ses chansons, il les jouait. Pour les plus dramatiques, on avait l’impression qu’il les laissait sourdre de lui comme d’une plaie. Car, ne l’oublions pas, serge était un homme en souffrance. Ce qui n’est – heureusement – pas le cas d’Isabelle. Elle, elle apporte à ces quatorze chansons toute sa sensibilité (qui n’est pas mince), toute une palette de nuances. Elle ne passe pas en force. Elle est habitée à sa façon. Une façon plus féminine, plus fraternelle, plus maternelle.

Cet album est formellement beau, noble. Il s’écoute comme on se recueille et on n’a qu’à se laisser toucher par la grâce qui en émane.
Merci Serge Reggiani. Merci Isabelle Boulay.


Je n’ai qu’un (bienveillant) reproche à lui adresser. Elle le sait, on en a déjà parlé : quand va-t-elle enfin cesser de jouer au ver de terre amoureux des étoiles. Elle est elle-même une magnifique et lumineuse étoile. Il est grand temps qu’elle se montre un peu égoïste et qu’elle se construise un répertoire à la hauteur de son immense talent.

Stanislas "Ma solitude"

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Polydor / Universal Music

Après avoir écouté les deux premiers titres de Ma solitude, l’album de Stanislas, j’étais littéralement aux anges. Au ciel. Carrément. Quels beaux morceaux !
Ce n’est pas par hasard que j’évoque les anges et le ciel car tant Ma solitude que Là où le ciel rejoint la terre sont empreints d’un climat paradisiaque. Dans la première chanson, au superbe refrain, la voix, éthérée, se mêle et se fond harmonieusement avec les instruments. On a la sensation d’entendre un cantique… Quant à la seconde, c’est un tube ! C’est léger, onirique, plein de poésie. On est en plein rêve.
Tout de suite, mis dans te telles conditions d’extase quasi mystique, je me suis dit que cet album devait s’écouter lumières tamisées, les yeux mi-clos, main dans la main avec l’être aimé, chacun laissant ses propres images vagabonder en fonction des images et des émotions si joliment distillées. Si ce n’est pas du romantisme, ça !


Et puis, peu à peu, la suite m’a fait quitter le nuage sur lequel j’étais juché. Avec les deux premiers titres la barre était mise vraiment très haut. On comprend qu’il soit difficile, voire impossible de maintenir un tel niveau.
Bien sûr, Ma solitudeest un bon album, très respectable. Il y a eu du travail. Mais il est quelque part victime d’un parti pris d’homogénéité qui le rend par trop redondant (des titres comme Tu aimais tout ou Septembre, par exemple) et même monotone (Métropoles immobiles).


On sent dans cet album combien Stanislas a de respect pour la chanson et plus encore pour la musique qui l’habille. Son piano l’emporte dans une espèce de lévitation qui le place à mi-chemin entre la musique symphonique et la variété mais, à mon goût, plus près du ciel que de la terre. Au moins, c’est là son image de marque.
Mais que les deux premières chansons sont belles !

Voici donc mon hit-parade personnel ; forcément subjectif :

1/ Là où le ciel rejoint la terre

2/ Ma solitude

3/ Super Vintage !
Délicieusement pop, beatlesisant, truffé de références et de name dropping. Fait un peu penser au Rock Collection de Voulzy.

4/ Ceux que j’aimais
C’est une prière, une chanson pétrie d’humanité, judicieusement traitée en valse lente.

5/ Les Nuits urbaines
Belle omniprésence du piano. Une jolie ritournelle rythmée comme le ressac.

6/ Shanghai Night
J’ai beaucoup aimé parce qu’elle m’a rappelé les Sparks.

7/ J’aimerais être une chanson
Confession de foi légère et virevoltante sur le mode boîte à musique. C’est très ambitieux (trop ?)…





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